Mieux vaudrait ne pas réagir
La BCE tiendra sa dernière réunion de l'année après-demain. Lors des réunions précédentes, Draghi s'est livré à un difficile exercice d'équilibriste. Tout en reconnaissant l'accroissement des risques sur la croissance (comme en témoignent les chiffres économiques décevants qui sont publiés), la BCE ne veut pas non plus dévier de la trajectoire de normalisation qui a été fixée afin de se créer un matelas monétaire en prévision de la prochaine récession. Nous pensons que la banque devrait tenir le même type de discours ce jeudi.
La BCE s'en tiendra aux décisions prises en juin. La "forward guidance" relative à la faiblesse des taux ne sera probablement pas modifiée. Nous tablons également sur l'arrêt des achats d'obligations nets réalisés dans le cadre du programme APP. Les réinvestissements des obligations arrivées à échéance dans le portefeuille de 2 500 milliards d'euros vont se poursuivre tant que la BCE l'estimera nécessaire. Par ailleurs, les nouvelles prévisions concernant la croissance et l'inflation mériteront une attention particulière. Face aux (plus) faibles données qui viennent d'être publiées et à l'accroissement des incertitudes, nous pensons que la prévision de croissance sera légèrement revue à la baisse pour 2018. La BCE donnera également une première estimation pour 2021. La croissance devrait alors avoir ralenti, tout en restant assez solide. Il est également probable que la banque centrale va revoir ses prévisions d'inflation à la baisse. Celle-ci devrait avoir atteint l'objectif de 2% de la BCE en fin 2021, soit un an plus tard que prévu à l'heure actuelle.
Le message délivré par la BCE est celui d'une confiance raisonnée. La banque est convaincue de la solidité de l'économie (mondiale), mais reste attentive aux risques. Pour les marchés, il sera important de voir si la BCE considère toujours les risques comme équilibrés en décembre. Une révision à la baisse provoquerait sans aucun doute un regain de volatilité. Draghi & Co vont donc probablement tenir un discours plus nuancé, y compris à la conférence de presse.
La BCE va certainement être soumise à un feu roulant de questions à propos des programmes de financement à long terme (TLTRO). Elle a elle-même alimenté cette spéculation lors de sa précédente réunion de politique. La banque va probablement confirmer qu'elle dispose d'une large gamme d'instruments de crise, mais qu'elle n'a pas l'intention d'y avoir recours. Elle va peut-être évoquer la possibilité d'un "roll-over" en prévision des gros montants arrivant à échéance en 2020.
Le président restera probablement évasif en ce qui concerne l'Italie et le brexit. Pourtant, ces deux thèmes sont revenus sous les feux de l'actualité: Rome prépare une nouvelle proposition de budget et la Première ministre britannique, Theresa May, a décidé hier de reporter le vote crucial sur le brexit (normalement prévu aujourd'hui). Elle va revenir en Europe dans l'espoir d'obtenir de meilleures conditions. L'annonce a été accueillie froidement au sein de l'UE.
Le marché est actuellement positionné de manière particulièrement accommodante à deux jours de la réunion de la BCE. Il se pose des questions sur le processus de normalisation qui a été fixé en juin. Dans ce contexte, il est peu probable que la BCE veuille encore s'éloigner davantage du marché, mettant ainsi en péril sa crédibilité. En même temps, il s'agira de ne pas procéder à un resserrement monétaire indésirable au vu de la fragilité de l'économie à l'heure actuelle. Pour le marché, la meilleure réaction serait donc de ne pas réagir. La Fed donnera peut-être un coup de main à ce niveau. Le fossé entre les prévisions de marché et la politique monétaire de la Fed ne cesse de se creuser. La réunion de politique de la banque centrale américaine prévue le 19 décembre sera donc suivie avec encore plus d'attention, ce qui incitera peut-être les investisseurs à rester neutres.