Calme sur les marchés?
L’année passée, l’économie et les marchés ont évolué sous la menace de toute une série de "risques événementiels". Guerre commerciale, Brexit, possible fin du long cycle de croissance économique. Tous ces facteurs ont provoqué quelques turbulences en fin 2018 et l’été dernier. Dans une perspective à plus long terme, ce n’était toutefois rien de plus que quelques vaguelettes sur une mer globalement calme.Sur quasiment tous les marchés, la volatilité demeure en effet faible, voire extrêmement faible. Cela transparaît sur les graphiques des cours, mais également dans les primes de risque très basses observées sur les marchés d’options. C’est notamment le cas pour les paires de devises EUR/USD et EUR/GBP. Les incertitudes autour du conflit commercial ou du Brexit n’ont que provisoirement perturbé ces faibles niveaux de volatilité. La hausse prolongée et régulière des bourses témoigne également de cette absence de volatilité. Dans un premier temps, on pourrait simplement en déduire que ce calme est dû au fait que les investisseurs sont plutôt sereins et ne s’attendent pas à de fortes fluctuations de cours dans l’immédiat.
Une grande partie de l’explication se trouve dans le contexte monétaire global. L’excédent de liquidité au niveau mondial pousse, via différents canaux, la volatilité à la baisse. Le niveau généralement bas des taux (réels) a ainsi un impact sur les primes de risque. Cela pousse en effet les investisseurs à prendre plus de risques afin d’obtenir un meilleur rendement. Cela se traduit par une diminution des spreads de crédit sur le marché obligataire ou par des valorisations relativement plus élevées des actions. Dans un contexte de rémunérations globalement faibles, les investisseurs sur le marché des changes se contentent aussi d’une prime plus basse lorsqu’ils recherchent du rendement via la vente d’options.
Revenons également sur ce sentiment de sérénité des investisseurs. Une autre manière de décrire ce phénomène serait de dire que les investisseurs sont convaincus que les banques centrales seront toujours prêtes à intervenir en cas de dérapage des marchés ou de l’économie. Dans le passé, beaucoup de "crises" ou de périodes de remous sur les bourses ont été provoquées par un manque de liquidité, avec des ventes forcées entraînant de fortes fluctuations des cours. Ce risque est nettement plus faible lorsque la liquidité est surabondante.
Ce matin, les bourses sont la cible de prises de bénéfices. Les investisseurs s’inquiètent de la propagation du coronavirus en Asie. Nous ne nous prononcerons pas sur le possible impact de ce virus sur la croissance dans la région. Jusqu’à nouvel ordre, nous partons toutefois du principe que ce type de corrections (nous pensons aussi aux incertitudes autour de l’Iran au début du mois) ne devrait pas prendre trop d’ampleur. Ici aussi, l’abondance des liquidités et, si les répercussions s’avéraient vraiment très graves, le soutien des autorités (monétaires) chinoises devraient probablement faire leur effet.
N’y a-t-il donc vraiment rien qui pourrait rendre les marchés plus sensibles aux risques? Sur le long terme, une hausse des primes de risque va en principe de pair avec une normalisation des taux réels. Les taux ont certes cessé de baisser récemment, mais ils restent faibles. Un autre scénario, moins confortable, serait que les investisseurs dans certains marchés arrivent à la conclusion que les risques sont à ce point sous-évalués que même une intervention des "toutes puissantes" des banques centrales ne pourrait plus aider. Nous ne pensons pas que nous en sommes déjà arrivés là, surtout pas dans un contexte où la situation économie pourrait s’améliorer. Nous allons donc être de nouveau attentifs à ce que feront les banquiers centraux. S’ils commencent à montrer plus d’intérêt pour les excès financiers/la stabilité financière, cela pourrait être le signe qu’il faut s’attendre à une réévaluation des primes de risque. Il sera quoi qu’il en soit difficile d’éviter un ajustement trop brusque. Une fois que la balle est lancée...