Risque circonstanciel provisoirement écarté?
Soulagement ces derniers jours. Deux risques circonstanciels qui ont secoué les marchés et, plus important encore, ont pesé sur la croissance viennent de s'éloigner, du moins "provisoirement". Au Royaume-Uni, Boris Johnson a désormais les coudées franches pour faire sortir son pays de l'Union européenne de façon ordonnée. Et une avancée a aussi été réalisée dans le conflit commercial qui oppose les États-Unis à la Chine. Les détails de l'accord ne sont pas encore tous connus, mais le conseiller économique du président Trump, Larry Kudlow, est formel: le premier chapitre de l'accord commercial est écrit. La nouvelle a été accueillie chaleureusement sur les bourses. Les indices aux États-Unis ont de nouveau enfilé les records et les marchés européens se sont également rapprochés de leurs plafonds historiques.
De la musique à nos oreilles... Il ne faut toutefois rien exagérer. Après une hausse vient toujours le moment où l'on décide de prendre un peu de ses bénéfices. Les bourses européennes ont donc connu une petite baisse de régime ce matin, même si les pertes sont restées limitées. Il est même difficile d'associer ce mouvement à un événement en particulier. Épinglons-en tout de même deux.
Aux États-Unis tout d'abord, Boeing a décidé de suspendre la production de ses 737 MAX en janvier. Le groupe dispose encore de 400 appareils en stock. Boeing attendra de recevoir le feu vert des autorités avant de remettre en service son avion. Boeing est une grande entreprise et un important exportateur. Cette décision aura aussi un impact sur de nombreux fournisseurs, majoritairement américains. À terme, l'impact des problèmes chez Boeing sur la trajectoire de croissance aux États-Unis restera vraisemblablement limité. L'arrêt de la production pourrait néanmoins avoir des répercussions sur le taux de croissance au premier trimestre via différents canaux (une constitution des stocks moins importante par exemple). D'après les estimations, la croissance au premier trimestre pourrait être amputée de 0,6% à 1,0% sur une base annualisée. Cela n'a rien de catastrophique en soi, mais... Le fait de publier un taux de croissance décevant six mois avant les élections pourrait entraîner un regain de nervosité à plusieurs niveaux. Le message que nous voulons faire passer ici est que le marché n'est jamais totalement à l'abri d'un risque circonstanciel d'envergure. Au contraire, c'est surtout quand tout est trop calme que le réveil peut s'avérer particulièrement difficile.
Un deuxième risque circonstanciel que nous pensions pouvoir oublier pendant quelque temps, le Brexit, a déjà refait surface. Ce matin, nous avons appris que, outre l'approbation du Brexit, le Premier ministre britannique Boris Johnson préparait également une loi prévoyant que la période de transition avant la conclusion d'un nouvel accord commercial ne pourrait pas être prolongée au-delà du 31 décembre 2020. Après cette date, la législation européenne ne pourrait plus s'appliquer au Royaume-Uni.
Pour les marchés, fin 2020, c'est une éternité. La livre a néanmoins déjà intégré la nouvelle. La monnaie britannique n'a quasiment pas cessé de s'apprécier le mois passé. Ceux qui ont parié sur la livre espéraient une période d'accalmie et un petit coup de pouce budgétaire de la part du nouveau gouvernement. S'ils peuvent toujours compter sur ce dernier point, la probabilité d'une période prolongée de calme a en revanche pris un petit coup dans l'aile. Et cela pèse pour le moment surtout sur la livre. Le rallye qui s'est enclenché au lendemain des élections est terminé. Le cours EUR/GBP (au milieu de la zone de 0,84) est déjà 150 crans au-dessus du plus bas de vendredi. Jusqu'à nouvel ordre, nous continuons de penser que la croissance pourrait repartir à la hausse en 2020 grâce à la disparition, au moins provisoire, de plusieurs facteurs d'instabilité. Moins d'incertitude, une politique monétaire toujours accommodante et un éventuel coup de pouce budgétaire, tout se présente bien pour 2020. En espérant qu'il ne faudra pas rapidement reformuler cette phrase en tout "se présentait" bien...