La politique monétaire devient-elle plus "sélective"?
La Reserve Bank of New Zealand (RBNZ) a décidé de sa politique hier. Cette décision était évidemment en premier lieu importante pour le pays lui-même. Mais elle reflète aussi la posture plus prudente prise par les banques centrales à travers le monde.
Commençons par la décision de la RBNZ en elle-même. Le marché était pratiquement certain que la banque centrale allait une nouvelle fois abaissé son taux directeur, à un plancher historique de 0,75%. Cela n'a pas été le cas. Le taux a été maintenu à 1%. La RBNZ ne peut évidemment pas nier la réalité, avec un contexte international incertain et une croissance néo-zélandaise en perte de vitesse. Et les prévisions restent modestes pour le second semestre de l'année. Dans l'état d'esprit actuel des marchés, il s'agi(ssai)t d'une raison plus que suffisante pour procéder à un nouvel assouplissement. La RBNZ a néanmoins préféré temporiser (du moins pour le moment) et a avancé plusieurs arguments pour justifier sa position. La réserve de main d'œuvre est en grande partie utilisée. L'inflation est légèrement inférieure à 2%, mais reste bien ancrée dans la zone cible de 1%-3%. Les assouplissements précédent n'ont pas encore produit tous leurs effets et la croissance pourrait être soutenue par la faiblesse de la monnaie. Enfin, le gouvernement va aussi apporter sa pierre à l'édifice en 2020 via une augmentation des dépenses et des investissements. La RBNZ en a donc conclu qu'elle pouvait garder ses munitions monétaires (qui ne sont plus très nombreuses). La banque centrale pourra encore assouplir sa politique si nécessaire, mais le marché est aujourd'hui allé trop loin dans ses anticipations.
Les taux et le dollar kiwi ont logiquement gagné du terrain après l'annonce de la décision. Fait notable: le marché est désormais de plus en plus convaincu que la décision d'hier pourrait même marquer la fin, et pas seulement le report, des assouplissements. Si tel était le cas, cela pourrait permettre au dollar néo-zélandais de repartir timidement à la hausse. Mais comme pour les autres petites devises moins liquides, il faudra probablement que les incertitudes internationales s'atténuent pour qu'une véritable reprise s'enclenche. Or, nous en sommes encore loin...
La Nouvelle-Zélande est une petite économie au profil bien spécifique. Cela ne nous empêche pas de considérer la décision de la RBNZ d'hier comme l'expression d'une "tendance" plus large. Plusieurs banques centrales (la Fed, la Reserve Bank of Australia et peut-être même dans une certaine mesure la BCE) étaient prêtes à prendre des mesures préventives afin de limiter le risque d'un net ralentissement de la croissance. Le marché en avait donc rapidement conclu que n'importe quel chiffre un peu décevant allait encore davantage ouvrir la porte à un nouvel assouplissement, d'où la forte anticipation d'un soutien monétaire.
Comme les autres banques centrales, la RBNZ a hier laissé entendre que la barre pour de nouvelles actions était tout de même (nettement) plus haute que ce à quoi les marchés s'attendaient encore récemment. C'est également l'essence du message que le président de la Fed, Jerome Powell, a délivré lors de son audition devant le Congrès hier. Si l'économie évolue plus ou moins comme prévu, la pause monétaire pourrait alors se prolonger. Le marché a d'ores et déjà (de manière générale) digéré ce message. Les anticipations de nouveaux assouplissements ont été fortement revues à la baisse. Ainsi, le marché ne table plus que sur une seule baisse de taux aux États-Unis l'année prochaine, alors qu'il s'attendait encore à plus de deux assouplissements il y a deux mois. Le marché est arrivé, probablement un peu à contrecœur, à la conclusion que la stimulation monétaire est un mécanisme qui n'échappe pas à la loi des rendements décroissants. Les banquiers centraux risquent, à l'avenir, de se montrer plus sélectifs qu'ils ne l'ont été jusqu'à présent.