Une baisse de taux au goût doux-amer
La banque centrale américaine (Fed) a abaissé son taux directeur pour la première fois depuis la crise financière hier. Le taux des Fed Funds a en effet été réduit de 25pb et évolue désormais dans une fourchette située ente 2% et 2,25%. La Fed a également décidé de mettre un terme à la réduction de son bilan un peu plus vite que prévu (en août). La situation en 2019 est évidemment totalement différente de celle en 2008. La logique et la nature de la décision prise hier le sont aussi. Mais comment faire passer ce message de façon claire mais nuancée sur le marché, alors que celui-ci anticipait depuis plusieurs semaines un assouplissement plus prononcé? Powell a dû se livrer à un difficile exercice d'équilibriste.
Les modifications apportées au communiqué de presse paru hier sont restées limitées à un minimum. La Fed semble toujours relativement optimiste vis-à-vis de l'économie américaine, même si l'environnement économique global demeure précaire, les incertitudes (commerciales) persistent et l'inflation (les prévisions d'inflation) reste faible. Ce sont d'ailleurs les principales raisons pour lesquelles la Fed a décidé d'abaisser ses taux hier, comme l'a expliqué son président, Jerome Powell, lors de la conférence de presse. La Fed veut en effet que le moteur de la croissance continue de tourner. Mais les risques susmentionnés risquent de peser (trop lourdement) sur l'économie à terme. Pour éviter cela, la Fed a donc procédé à une "baisse de taux préventive", comme dans les années 1990. Détail piquant: la décision n'a pas été prise à l'unanimité. Deux gouverneurs du FOMC auraient en effet préféré laisser les taux inchangés. Les investisseurs qui s'attendaient à une intervention (beaucoup) plus musclée ont néanmoins dû déchanter. La politique monétaire future dépendra des données économiques et de l'évolution des différents risques (commerce, contexte international). Il est donc encore trop tôt pour tabler sur un autre assouplissement d'envergure. D'autant que la Fed s'attend toujours à une économie (américaine) favorable. Powell a donc précisé que cette baisse de taux ne devait pas être considérée comme le début d'une longue série. Petite erreur de communication ou déclaration calculée pour tenter de ramener des marchés ayant trop anticipé à l'ordre? Powell a nuancé ses propos par la suite et a laissé la porte ouverte à un deuxième abaissement des taux.
Le mal était cependant déjà fait pour les marchés. La remarque de Powell a donné à cette baisse de taux préventive un petit goût doux-amer de trop peu. Les bourses américaines se sont ainsi repliées par rapport à leurs récents sommets, terminant la journée un gros pour cent plus bas. La courbe des taux américaine s'est fortement aplanie, avec une hausse d'environ 3pb pour les taux à court terme et un recul de 4 à 5pb pour les plus longues échéances. Autrement dit: le marché a revu ses prévisions d'inflation à moyen terme à la baisse. Cette réaction n'a certainement pas été bien accueillie par Powell et ses collègues, qui visent précisément le contraire. Le dollar en a profité, et de quelle manière! Le billet flirtait déjà avec d'importants niveaux techniques (EUR/USD proche de 1,11, dollar pondéré des échanges commerciaux, DXY, autour de 98). et ceux-ci ont été rompus en raison de la position moins souple qu'attendu de la Fed. Depuis hier, la paire EUR/USD a perdu environ un "big figure" et évolue au milieu de la fourchette de 1,10/1,11. D'un point de vue technique, le dollar a de nouveau pris le dessus. Et il pourrait encore gagner du terrain en cas de PMI manufacturier (cet après-midi) et payrolls mensuels (demain) solides.