Après la Fed, la BCE se laisse elle aussi gagner par le doute
L'indice PMI reflétant la confiance des entrepreneurs européens a une nouvelle fois (fortement) déçu les attentes vendredi. Tout particulièrement en Allemagne, les dirigeants d'entreprise se montrent pessimistes. L'indice général (‘composite’) affichait en novembre 52,2 points en Allemagne et 52,4 points pour l'UEM (venant de respectivement 53,4 et 53,1 en octobre).
Si ce résultat suggère toujours une expansion économique (> 50 points), les détails sous-jacents ont leur importance également.
D'une part, c'est toujours dans l'industrie manufacturière que les difficultés sont les plus cuisantes. Pour novembre, les dirigeants d'entreprise tablent sur une croissance pour ainsi dire nulle de la production. On y verra un effet de l'incertitude politique et économique, du conflit commercial et de la faiblesse des ventes automobiles. Ce concours de circonstances s'est traduit pour le deuxième mois consécutif par un repli des commandes manufacturières sur le marché intérieur et le marché extérieur. Dans le secteur moins cyclique des services, le sentiment a tenu bon. Cependant, nous percevons là aussi de plus en plus clairement les retombées du ralentissement de l'économie mondiale. Les prévisions en matière d'emploi s'en ressentent dans les deux secteurs. Les indicateurs de prix trahissent pour leur part une pression persistante. En principe, il s'agit là d'une bonne nouvelle pour la BCE, qui tente depuis quelques années en vain d'atteindre son objectif d'inflation de 2%. Pour la banque centrale, cette condition est essentielle pour le relèvement des taux qu'elle envisage — le premier depuis 2011. Dans sa communication, la BCE parle d'y procéder au plus tôt après l'été de 2019. Mais le marché y croit-il encore?
Cette nouvelle détérioration du PMI reflétant la confiance des entrepreneurs — qui constitue généralement un bon indicateur de la croissance future — laisse en effet présager un avenir moins engageant. S'il persiste, voire s'accélère, le ralentissement de la croissance européenne (et mondiale) complique en effet l'amorce effective d'un cycle haussier des taux d'intérêt, même si l'inflation parvient à se rapprocher de l'objectif officiel. Force est de constater que les investisseurs doutent de plus en plus (à juste titre?) des intentions de la BCE. Depuis la publication du PMI, le marché ne table plus que sur la fin 2019 pour le premier relèvement des taux d'intérêt. Il y a moins d'un mois, il était encore sur la même longueur d'onde que la BCE. Vendredi, ces attentes revues à la baisse ont inévitablement eu des répercussions sur le taux de change de l'euro. Dans un climat toujours fragile en termes de propension au risque, la monnaie unique a accusé un recul marqué par rapport au dollar. Et pourtant, le billet vert lui-même a perdu de son éclat ces derniers temps. Après les propos nuancés de Jerome Powell, Richard Clarida et d'autres gouverneurs de la Fed, le doute quant à l'évolution future des taux d'intérêt s'immisce de plus en plus aux États-Unis également.
Dans le sillage de la publication du PMI (à nouveau empreint de faiblesse), l'audition de Mario Draghi au Parlement européen nous promet un débat intéressant cet après-midi. Les investisseurs pourraient cependant rentrer bredouilles. En effet, nous ne pensons pas que cette audition soit un moment approprié pour modifier fondamentalement l'analyse équilibrée avancée en octobre. Mario Draghi reconnaîtra sans doute la détérioration des statistiques, mais sans se départir de son optimisme prudent. Ce faisant, il pourrait soutenir l'euro, qui fait en ce moment preuve d'une bonne résilience. Plus tard cette semaine, l'attention se reportera notamment sur les discours des figures de proue de la Fed, Richard Clarida (demain) et Jerome Powell (mercredi). Vont-ils s'en tenir à l'attitude prudente qu'ils ont adoptée dernièrement?