Le dossier du Brexit n'effraie pas les investisseurs
Le Royaume-Uni n'est pas vraiment réputé pour la clémence de son climat, mais il faut reconnaître que des nuages particulièrement menaçants se sont accumulés hier dans le ciel britannique. Et l'optimisme provoqué par l'annonce que la Première ministre Theresa May était parvenue à convaincre son cabinet d'approuver l'accord trouvé avec l'Union européenne est rapidement retombé. Très vite, il est apparu que May ne pourrait pas compter sur beaucoup de soutien. Après la démission de plusieurs de ses ministres, la position de May en tant que cheffe de son parti et du gouvernement paraît de plus en plus fragile. Dans ce contexte, la livre sterling s'est repliée et les marchés d'actions européens ont perdu du terrain. Mais cela n'a pas été plus loin. Les choses ont rapidement repris leur cours normal sur les marchés.
Londres est en ébullition. L'accord de divorce conclu entre May et l'UE ne parvient pas à convaincre. Et c'est un euphémisme. Quatre ministres ont déjà présenté leur démission. La plus marquante étant sans aucun doute celle de Dominic Raab, le ministre en charge du Brexit et, soit dit en passant, celui qui a négocié l'accord actuel. Les députés britanniques se sont également opposés au projet d'accord. La Première ministre a demandé à Michael Gove, actuel ministre de l'Environnement et partisan d'un Brexit dur, de remplacer Raab. Mais faute de pouvoir renégocier l'accord, celui-ci a finalement refusé. Gove défend l'idée d'un partenariat "à la norvégienne".
Le gouvernement May est donc en train de vaciller et les adversaires politiques de la Première ministre se tiennent en embuscade. Jacob Rees-Mogg, le chef informel des "hard brexiters" a d'ores et déjà réclamé un vote de défiance. Si 47 autres membres du parti suivent son exemple, un vote sera alors organisé pour faire tomber May de son trône. La Première ministre risque également de perdre le soutien du parti unioniste nord-irlandais DUP. Si ce dernier décide de se retirer de l'accord qui permet pour le moment aux conservateurs de May (ou de son éventuel successeur) de rester au pouvoir, de nouvelles élections deviendront alors inévitables. Ensuite, ce sera au parti travailliste de Jeremy Corbyn d'avancer ses pions, même s'il est encore difficile de savoir à quoi s'attendre de ce côté-là. Une sortie sans accord fait toujours partie des possibilités, de même que l'organisation d'un nouveau référendum. Selon de récents sondages, une majorité des Britanniques voteraient en faveur du maintien dans l'UE. Pas de Brexit alors?
La livre a perdu pratiquement 2% par rapport à l'euro. Le cours EUR/GBP cote de nouveau largement au-dessus de 0,88. Sur les marchés d'actions européens, les investisseurs ont opté pour des valeurs plus sûres. Mais les effets du dossier Brexit se sont arrêtés là. Les valeurs refuges sur les marchés des changes (USD, JPY) n'ont quasiment pas profité de la situation. Les actions américaines ont ouvert la séance dans le rouge, mais se sont ensuite fortement redressées, dopées par l'espoir d'une reprise des négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine. Cette hausse a ainsi mis fin à cinq jours consécutifs de pertes. Tant les actions asiatiques (à l'exception du Japon) qu'européennes ont profité de cette amélioration du sentiment. Le cours EUR/GBP est aussi en train de se stabiliser dans le haut de la fourchette située entre 0,885 et 0,890. À plus long terme, les incertitudes politiques risquent néanmoins de peser de nouveau sur la livre et la paire EUR/GBP pourrait reprendre la direction de 0,9050.