Les tendances inflationnistes annoncent une normalisation monétaire

L’hypothèse générale est que la Banque centrale européenne (BCE) abandonnera sa politique monétaire non conventionnelle en 2018. Toutefois, les faibles taux d’inflation actuels plaident fortement en faveur de la poursuite des mesures de relance. Néanmoins, il existe un certain nombre de tendances inflationnistes dans la zone euro qui se cachent derrière la faiblesse de l’inflation, et elles gagneront en vigueur dans les mois à venir. Une politique monétaire trop prudente pourrait causer des dommages considérables à l’économie européenne. La BCE devra présenter des arguments solides pour défendre fondamentalement son changement de politique. Le retour de l’inflation et les évolutions structurelles sous-jacentes seront le thème économique de 2018.

Croissance plus forte, faible inflation

Au début de la nouvelle année, de nombreuses nouvelles statistiques et prévisions s’enchaînent. Ils réitèrent également que la croissance économique s’accélère à l’échelle mondiale. Le FMI s’attend maintenant à une croissance réelle du PIB de 3,9% en 2018 et 2019. Les performances étonnamment fortes de l’Europe, en particulier, se démarquent vraiment. Nous prévoyons une croissance effective finale d’au moins 2,4% pour la zone euro en 2017. Dans le même temps, les nouveaux chiffres d’Eurostat montrent une inflation obstinément faible dans la zone euro (1,4% en décembre 2017) - nettement inférieure à l’objectif fixé par la Banque centrale européenne (BCE). En principe, un taux d’inflation plus élevé est une condition préalable essentielle à l’abandon de la politique monétaire stimulante. L’avis général est que la BCE commencera à réduire progressivement sa politique monétaire non conventionnelle dans le courant de l’année, en mettant fin à ses programmes d’achat. Les critiques sociales et économiques à l’encontre des effets secondaires de cette politique s’accentuent, alors que les fortes performances actuelles en matière de croissance restent difficilement conciliables avec une politique exceptionnellement stimulante. Les fluctuations récentes des taux d’intérêt allemands à long terme montrent que les marchés intègrent progressivement ce changement de politique. Le récent ralentissement de l’inflation dans la zone euro semble à première vue contredire l’évolution attendue de la politique monétaire.

Les tendances inflationnistes plutôt que l’inflation

Il semble peu probable que l’inflation dans la zone euro évoluera effectivement vers l’objectif de 2% dans les prochains mois. Cela pourrait essentiellement amener la BCE à décider de maintenir le stimulus monétaire au même niveau pendant plus longtemps. Cependant, bien qu’il soit parfaitement justifiable en termes d’efficacité économique, ce scénario semble peu probable - ou même probablement une erreur de jugement cruciale. En dépit d’une inflation relativement faible, nous observons encore de plus en plus de signes de tendances inflationnistes dans l’économie européenne. Ces tendances inflationnistes ne se manifestent pas encore sous la forme d’une inflation effective, car elles sont compensées par un certain nombre de tendances déflationnistes. Toutefois, les tendances inflationnistes finiront par prévaloir et provoqueront une hausse de l’inflation, mais probablement seulement après la normalisation effective de la politique monétaire.

Ce n’est pas seulement une question de sémantique, car l’économie mondiale est actuellement confrontée à un certain nombre de processus complexes et contradictoires. Ils veillent à ce que les lois économiques traditionnelles ne s’affirment que lentement, mais ils sont plus importants que jamais dans l’estimation correcte de la situation actuelle.

D’où vient l’inflation?

La première tendance inflationniste que nous pouvons confirmer est l’amélioration continue de la croissance de l’économie mondiale, notamment en Europe. Au niveau de croissance actuel, on ne peut plus parler d’une reprise économique en Europe (après la crise), mais plutôt d’une véritable expansion économique. La croissance économique actuelle est nettement supérieure à la croissance potentielle de la zone euro (environ 1,2%), un concept théorique qui mesure la croissance possible, compte tenu des moyens produits actuels de notre économie. Le calcul de la croissance potentielle fait l’objet de critiques pour des raisons valables, mais la forte croissance actuelle écarte cette discussion. Le dépassement du potentiel conduit en fin de compte à une inflation et à un ralentissement du cycle économique. La situation actuelle peut être considérée comme annonciatrice d’une inflation effective dans la zone euro.

En revanche, le taux d’utilisation des capacités de production de l’industrie européenne augmente nettement. L’optimisme et les bonnes performances à l’exportation de l’industrie ont eu un impact positif sur la croissance européenne en 2017. Toutefois, il n’y a pas de tendances inflationnistes dans les produits industriels, principalement en raison de la surcapacité industrielle constante des États-Unis et de la Chine. La combinaison de la surcapacité mondiale et d’une concurrence internationale féroce continue d’exercer une pression à la baisse sur les prix industriels. Tout conflit commercial international (entre les États-Unis et la Chine, par exemple) pourrait briser cette spirale déflationniste. Un tel scénario ne peut être exclu dans les années à venir.

Toutefois, l’importance des produits industriels dans les chiffres inflationnistes de la zone euro est limitée (26%). En revanche, les prix des services déterminent 45% de l’inflation. Ces prix sont principalement déterminés par l’évolution des salaires européens. La concurrence internationale dans les services est également plus limitée. Cela signifie que les marchés du travail européens auront un rôle crucial à jouer en 2018. Les salaires ont été mis sous pression dans toute l’Europe pendant et après la crise financière. Aujourd’hui, cependant, la baisse du chômage et l’augmentation des taux d’emploi dans la zone euro exercent une pression à la hausse sur les salaires européens. Dans la majorité des pays de la zone euro, la croissance des salaires s’accélère, ce qui est encore renforcé par des pénuries dans certains segments du marché du travail (pénuries de professions et de travailleurs hautement qualifiés, par exemple). La demande de main-d’œuvre est renforcée par la forte conjoncture économique, de sorte que la croissance des salaires devrait se poursuivre au cours des prochains mois. Il s’agit d’une troisième tendance inflationniste - et peut-être la plus importante - qui se dessine actuellement.

Enfin, on observe des signes de tendances inflationnistes sur de nombreux marchés dans le monde. La forte reprise économique est confirmée par la forte hausse des prix du pétrole et des autres matières premières. Naturellement, les prix de l’énergie contribueront à la hausse de l’inflation, mais les prix plus élevés de l’énergie et des matières premières se répercuteront aussi indirectement sur les prix des biens et services finaux. Les bonnes performances de la plupart des marchés financiers (actions, immobilier,...) n’affectent pas directement l’inflation, mais une impulsion inflationniste sous la forme d’une hausse du revenu disponible (provenant des plus-values) et d’une hausse des loyers, est une conséquence indirecte de ces performances.

Soyez prudent, mais pas trop prudent

La BCE a adopté une attitude prudente à la fin de 2017. En prolongeant l’assouplissement quantitatif jusqu’ à la fin de septembre 2018 (bien que ramené à 30 milliards d’euros par mois), la BCE a surtout gagné du temps. Toutefois, au printemps 2018, la BCE devra communiquer sur la voie à suivre en matière de politique monétaire. Compte tenu des tendances inflationnistes, et en dépit d’une inflation excessivement faible, le moment est venu pour la BCE de mettre un terme à ses programmes d’achat, mais elle devra présenter des arguments solides et des chiffres convaincants. Après tout, la réputation de la BCE est en jeu. La prudence continue menace de pousser la reprise dans la zone euro vers la surchauffe. En fin de compte, l’énorme bilan de la BCE - le résultat des achats massifs d’obligations - et le bas niveau des taux d’intérêt constituent toujours des stimuli majeurs pour l’économie réelle.

En tout état de cause, 2018 sera “l’année de l’inflation” dans les débats, les discussions et, en particulier, dans les faits. Le retour de l’inflation tant attendu est imminent.

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