La confiance est difficile à obtenir, mais tellement facile à perdre

Une fois, c'est un incident. Deux fois, c'est un hasard. Trois fois, c'est un mode de fonctionnement. Pour la troisième fois en à peine deux semaines, le président Trump fait, consciemment ou non, machine arrière. Sans aucun doute, une mise en œuvre de la tactique consistant à "provoquer l'escalade avant de passer à une désescalade" décrite dans The Art Of The Deal. Mais, dans la pratique, ce nouveau pas en arrière a été forcé par les marchés financiers.
Ici aussi, jamais deux sans trois. L’administration a reconnu la correction boursière comme un mal nécessaire. Reculer pour mieux sauter. Le rêve de Trump - un accord conclu à Mar-a-Lago - est d'affaiblir le dollar sans que celui-ci ne perde son statut de monnaie de réserve. Pour aider, à terme, à redresser la balance commerciale. Le troisième domino dans la vague de ventes "Sell America" est crucial : les obligations d'État américaines. L'antithèse, la hausse des taux d'intérêt américains (longs), est ce que redoute le plus le ministre des Finances Scott Bessent. Celui-ci mettra tout en œuvre pour maintenir l’extrémité longue de la courbe des taux US en dessous de 5 % afin de ne pas remettre en cause la Trumponomics. Une croissance de 3 %, un déficit public de 3 % et une augmentation de la production énergétique américaine de 3 millions de barils par jour : voilà en quoi consiste la stratégie 3-3-3 de Bessent. Celle-ci devrait permettre d'assurer la stabilité économique à terme. La hausse des taux américains (associée au recul des bourses et à la chutedu dollar), comme signe de méfiance vis-à-vis de la politique américaine met en péril cette vision d’avenir idéale.
À chaque fois que cela risque de devenir trop douloureux, Trump lâche un peu de lest. Une première fois avec la pause quasi immédiate (de 90 jours) dans la mise en place des droits de douane réciproques. La deuxième fois, en jouant subitement la carte de l'apaisement vis-à-vis du président de la Fed, Jerome Powell. La banque centrale américaine préfère mettre la priorité sur la stabilité des taux pour compenser les risques d’inflation, plutôt que de suivre Trump dans sa volonté d'abaisser les taux pour soutenir la croissance. Le dernier changement d’humeur en date concerne la guerre commerciale contre l’ennemi numéro 1 : la Chine. Les barrières tarifaires sont actuellement tellement élevées des deux côtés qu’elles équivalent implicitement à un embargo commercial. Les États-Unis se disent prêts à réduire considérablement leurs tarifs (en moyenne 50 %-65 % au lieu de 145 % actuellement) et à les échelonner (en fonction de l’importance stratégique) pour pouvoir continuer à commercer. Mais évidemment pas sans contrepartie. Les droits de douane chinois (actuellement 125 %) devront aussi être réduits. Un petit pas en avant dans la procession commerciale d’Echternach.
Pour les marchés, le fait que les États-Unis cèdent à chaque fois sur leurs positions les plus extrêmes est moyennement rassurant. Ces deux derniers jours, le S&P 500 a gagné un peu plus de 4 %. L’indice a testé le niveau de résistance de 5 500. Une rupture au-dessus de ce seuil aiderait à améliorer la situation technique à court terme. Pour l’instant, le marché doute encore de la date de péremption des bonnes intentions de Trump. La courbe des taux US est devenue plus plate. La partie courte a grimpé d’un peu plus de 5 points de base maintenant que Powell peut faire son travail sans ingérence politique. L’extrémité (très) longue de la courbe a baissé de 10 points de base face au ton plus modéré adopté par Trump vis-à-vis de la Fed et de la Chine. Le cours EUR/USD est passé de 1,15+ à moins de 1,14. Si le marché suit aujourd'hui la fonction de réaction de Trump & co, il est encore trop tôt pour miser sur un retour durable des actifs américains. La confiance est difficile à obtenir, mais tellement facile à perdre.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC
S&P 500 : une reprise au-dessus de 5 500 sera nécessaire pour arriver à une situation technique plus neutre.
