Qui pliera le premier ?

Le Black Monday (octobre 1987), les répercussions de la chute de Lehmann Brothers (octobre 2008), la crise Covid (mars 2020) et aujourd’hui le Liberation Day. La liste des krachs boursiers aux États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale s'est allongée. Comme référence, nous nous basons sur une baisse de plus de 10 % de l’indice S&P 500 sur deux jours. Lors des crises précédentes, les autorités monétaires et/ou budgétaires avaient à chaque fois été en mesure de mettre directement en place un filet de sécurité. C'est précisément ici que le bât blesse pour l'instant. Sans "put" de la Fed ou de Trump, la bourse et les autres actifs plus risqués n'ont pas vraiment de base solide à laquelle s'accrocher.
Malgré la panique des marchés, Trump n'entend pas changer sa rhétorique commerciale. Lors de la campagne électorale, il n'avait cessé de promettre l'avénement d'une nouvelle ère commerciale et hors de question, pour lui et son ego, de revenir en arrière. Sur la scène politique nationale, le président ne fait face à pratiquement aucune opposition. Du côté de ses fidèles affidés, personne ne viendra le contredire. Et dans le camp démocrate, tout le monde semble encore sonné par la défaite électorale. Si l'on excepte la Chine, la plupart des partenaires commerciaux des États-Unis ont réagi comme Trump l’espérait : prendre rapidement langue en vue de trouver un accord (commercial) et limiter autant que possible les dégâts économiques. Avec le président chinois, Xi Jinping, c'est une véritable partie de bras de fer qui s'est engagée. Vendredi, la Chine a pris une série de mesures de rétorsion à l'encontre des États-Unis et Pékin prépare aussi des mesures de soutien budgétaire et monétaire afin de soutenir l’économie intérieure. Trump a beau jouer les gros bras, il sait parfaitement qu'il ne pourra pas entamer les élections de mi-mandat (les "mid-terms" auront lieu dans un an et demi) avec une récession aux États-Unis. Il a plus à gagner d'une désescalade (rapide) que le président chinois.
Parallèlement, Trump s'est aussi lancé dans un duel avec le président de la Fed, Jerome Powell, en l'attaquant sur les réseaux sociaux juste avant son intervention publique à Washington vendredi dernier : "Ce serait le moment PARFAIT pour que le président de la Fed, Jerome Powell, abaisse les taux d’intérêt… ", "BAISSE LES TAUX, JEROME, ET ARRÊTE DE FAIRE DE LA POLITIQUE !" Pour l’instant, la Fed n'a pas répondu pas à cette demande. Powell a mis en garde contre les risques croissants de voir l’augmentation (en théorie) ponctuelle des prix après l'instauration des droits de douane avoir des conséquences à long terme (dans la pratique), notamment via la hausse des anticipations inflationnistes. C'est le devoir de la Fed d’éviter cela, a déclaré Powell, en dépit de l'accroissement des risques de croissance/récession, en dépit des pressions politiques et en dépit des pressions du marché.
C’est surtout le marché des taux qui espère voir les banquiers centraux plier les premiers. Depuis début avril, le taux à 2 ans américain s'est replié de 4 % pour atteindre un niveau de support technique de 3,5 % (plus bas de 2023 et 2024). Les marchés monétaires américains misent sur un abaissement de taux en mai (60 % de probabilité) et sur 125 pb de baisses au total d’ici à la fin de l’année. Certains espèrent même une intervention d’urgence exceptionnelle. Ces mouvements de taux aux États-Unis (taux plus bas, courbe plus raide) ont des répercussions en Europe et au Royaume-Uni. Les marchés monétaires européens situent désormais le plancher du cycle de taux de la BCE à 1,5 % vers la fin de l’année. Sur le marché des changes, le cours EUR/USD fluctue depuis quelques jours autour de 1,10. EUR/USD 1,1276 demeure pour nous le prochain seuil. L’euro et le yen japonais laissent au seul franc suisse le rôle de valeur refuge. La paire EUR/GBP s’approche de 0,8550 pour la première fois depuis l’été dernier.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC
Taux à 2 ans américain : le marché des taux mise sur l’aide de la Fed
