Turkse markten onder hoogspanning

Ce matin, les marchés financiers turcs sont en flammes. La devise dégringole à de nouveaux planchers. Bien que ce soit presque monnaie courante depuis longtemps, le mouvement journalier – une perte de plus de 12% par rapport au dollar américain – se démarque. Brièvement, le cours USD/TRY a dépassé 41. Entre-temps, la lire a “limité” les dégâts à 39, probablement à la suite d’une intervention musclée des autorités turques. Quant au cours EUR/TRY, il poursuit sur sa lancée des dernières semaines et dépasse 42. À l’ouverture, la bourse turque (Borsa Istanbul 100) a chuté d’environ 7%, incitant les autorités à suspendre temporairement le négoce. Les investisseurs se défont en masse des obligations d’État, provoquant une hausse des taux énorme de quelque 175 pb, ou près de 30%.
À l’origine de cet ébranlement: l’arrestation d’Ekrem Imamoglu. L’année dernière, Imamoglu avait été réélu maire de la plus grande ville, Istanbul, s’imposant de manière inattendue face au candidat soutenu par le président Erdogan – une gifle à la fois symbolique et politique pour lui comme pour son parti, l’AKP. En outre, il faut considérer le contexte général, celui d’un glissement politique plus important. Après les élections législatives et présidentielles de mai 2023, l’AKP avait encore une avance relativement confortable sur son seul véritable concurrent, le CHP, le parti d’Imamoglu. Un an plus tard, les rôles se sont inversés à l’approche des élections locales et pendant celles-ci. Depuis, les sondages en amont des élections (parlementaires, présidentielles) de 2028 penchent en faveur du CHP.
Particulièrement populaire, Imamoglu est considéré comme le grand challenger du président Erdogan et de l’AKP en 2028. Sa nomination par son parti était prévue pour dimanche prochain. À première vue, Erdogan a encore du temps pour renverser la vapeur. Cependant, pour des raisons constitutionnelles, il ne pourrait se représenter qu’en cas d’élections anticipées. Officiellement, l’arrestation d’Imamoglu s’inscrit dans le cadre d’une enquête sur ses liens avec des organisations terroristes. En réalité, ce n’est rien de moins que la consolidation et la pérennisation des forces politiques actuelles. Auparavant, Imamoglu s’était vu retirer son diplôme universitaire, une condition pour pouvoir se présenter à la présidentielle.
Sous Erdogan, la Turquie est devenue un marché étroitement surveillé par les investisseurs. Depuis 2018, son cocktail de politiques de croissance avant tout défie toutes les conventions. Le mix toxique de concentration du pouvoir, de mesures de relance budgétaire et d’une politique monétaire de soutien imposée manu militari a culminé la suite de la pandémie: fin 2022, l’inflation s’élevait à pas moins de 85%. À chaque fois, le banquier central qui a relevé les taux lors d’épisodes inflationnistes (Cetinkaya, Uysal, Agbal) l’a payé de son poste. Mais après sa réélection en 2023, Erdogan a adopté une voie plus orthodoxe, et la banque centrale (CBRT) donc aussi. La CBRT a parcouru un long chemin vers la crédibilité, avec un revirement spectaculaire de la politique de taux d’intérêt: de 8,5% (mai 2023), elle est passée à 50% (novembre 2024). Elle a depuis déclaré un succès prudent, en abaissant le taux à 42,5% ces derniers mois, sous l’œil cette fois approbateur du marché. Mais après aujourd’hui? Nous craignons une réinitialisation des indicateurs de confiance. La prochaine réunion de politique, qui se tiendra le 17 avril, sera l’une des plus importantes depuis longtemps.
Mathias Janssens, salle des marchés KBC
USD/TRY: la lire, l’une des nombreuses victimes de la déroute des actifs turcs
