RBA : première baisse des taux, avec une solide nuance

Après ce matin, la banque centrale norvégienne est la dernière des Mohicans. Son taux directeur se situe toujours à son niveau le plus élevé (4,5 %). La banque centrale australienne (RBA) a pour sa part profité du recul un peu plus rapide de l’inflation fin de l’année dernière pour ajuster son taux directeur pour la première fois depuis novembre 2023, en le faisant passer de 4,35 % à 4,10 %. Mais la présidente de la RBA, Michelle Bullock, a prévenu que cette intervention ne devait pas être considérée comme la première d’une série de réductions.
L’inflation de base sous-jacente s'est repliée, contre toute attente, à 3,2 % en glissement annuel au dernier trimestre de l’année dernière. Les nouvelles projections font par conséquent état d'une trajectoire d’inflation un peu plus modérée à (court) terme. Mais à partir du second semestre, la RBA craint que l’inflation de base se maintienne obstinément dans la partie supérieure de la fourchette cible de 2-3 % jusque la fin de l’horizon de politique (2,7 % jusqu’en juin 2027). Ses prévisions reposent en partie sur la trajectoire future des taux directeurs telle que vue par les marchés monétaires australiens. Ceux-ci tablent sur des baisses de taux supplémentaires, jusqu'à atteindre 3,5 % d’ici la fin de l’année, et sur un statu quo par la suite. Selon la RBA, ce serait donc déjà trop agressif pour ramener l’inflation de base à 2,5 %. La principale erreur que la RBA pourrait commettre aujourd’hui serait de démanteler trop rapidement sa politique monétaire restrictive et devenir ainsi elle-même une source d’inflation.
La RBA voit également des arguments en faveur d'une approche (très) graduelle dans l'évolution de la croissance et du marché du travail en Australie. L’économie s’est redressée au dernier trimestre de 2024 après une année poussive et la tendance se poursuit en ce début d’année. Le consommateur se sent notamment plus fort grâce à la solidité du marché du travail, qui maintient la pression sur les salaires (et les revenus disponibles) à un niveau élevé. Dans ses nouvelles projections, la RBA a revu le pic attendu du taux de chômage à la baisse, de 4,5 % à 4,2 %. Les prévisions de croissance pour 2025 (2,4 % contre 2,3 %) et 2026 (2,3 %, stable) n’ont quant à elles pratiquement pas été modifiées.
Enfin, les incertitudes géopolitiques jouent aussi un rôle. La voie du protectionnisme empruntée par le gouvernement américain risque d’avoir des effets inflationnistes et a modifié la fonction de réaction de la banque centrale américaine, par exemple. Après les 100 points de base de réductions opérées au dernier trimestre de l’année passée, celle-ci envisage déjà une longue pause.
Les taux des swaps australiens affichent aujourd’hui une hausse d’environ 5 à 6 points de base sur l’ensemble de la courbe des taux. Les marchés monétaires ne s’attendent pas à une nouvelle réduction de taux avant au plus tôt le prochain point trimestriel en mai, voire août. Ils ne sont plus convaincus que la banque centrale procédera encore à deux assouplissements de 25 points de base cette année, même si cela reste le scénario privilégié. Le dollar australien ne profite pas vraiment par rapport à son homologue américain (AUD/USD 0,6360), mais le plancher technique semble déjà se mettre plus solidement en place que, par exemple, pour la paire EUR/USD. Cela s’explique cependant surtout par le coup de mou du dollar US plutôt que par la vigueur du du dollar australien, même si le soutien des taux de la RBA aide. Une rupture au-dessus de la zone de 0,64 (planchers de 2024 et 38 % de reprise sur la baisse observée entre fin septembre et début février) rendrait la situation technique de nouveau neutre.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC
Le cours AUD/USD poursuit sa reprise, mais une rupture au-dessus de 0,64 sera nécessaire pour un retour à une situation neutre.
