La livre sterling rejoint les autres

Si l'on excepte une courte pause en août, la livre sterling n'a cessé de gagner du terrain au cours de ces derniers mois. Tant vis-à-vis de l’euro que vis-à-vis du dollar. Après un second semestre morose l’année dernière, l'économie britannique ne s'enfonce pour l'instant pas dans les sables mouvants de la récession, contrairement à sa cousine européenne. Et contrairement à ce que l'on observe aux États-Unis, le marché ne mise actuellement pas sur un cycle de normalisation agressif de la part de la banque centrale, ce qui se traduit par un avantage de taux significatif. Le cours EUR/GBP a commencé la semaine juste au-dessus de 0,83, son niveau le plus bas depuis avril 2022. Quant au cours USD/GBP (appelé le câble), il a rebondi à 1,34 pour la première fois depuis la même période.
Le président de la Banque d'Angleterre (BoE), Andrew Bailey, a à lui seul mis un terme à l'ascension de la devise britannique ce matin, après une interview accordée au journal britannique de référence The Guardian. En résumé, Bailey plaide pour plus d’activisme dans la normalisation de la politique, vu que la croissance demeure plus forte que prévu et que l’inflation se montre moins tenace que redouté. Jusqu’à présent, la banque centrale britannique a surtout joué la carte de la prudence. L'inflation générale a beau s'être stabilisée à 2,2 % en glissement annuel en août, l'inflation de base sous-jacente et celle des services sont tout de même reparties à la hausse, à respectivement 3,6 % et 5,6 %. Un premier abaissement de 25 points de base avait été effectué en août, mais uniquement grâce à la voix du président (5 voix contre 4). En septembre, le comité de politique a en revanche opté, à l’unanimité, pour le statu quo, sans faire de trop grandes promesses pour l’avenir.
Jusqu’à présent, le marché monétaire britannique tablait par conséquent sur de légères baisses de taux lors des réunions où de nouvelles prévisions de croissance et d’inflation seraient mises à disposition (novembre, février…). La probabilité d’une intervention à la réunion intermédiaire de décembre était, par exemple, estimée à moins de 50 %. En outre, et élément beaucoup plus important en vue d’un éventuel repositionnement, le marché monétaire tenait jusqu’à hier encore compte d’une zone d’atterrissage comprise entre 3,5 % et 3,75 % (contre 5 % actuellement) d’ici la fin de l’année prochaine. Un niveau sensiblement plus élevé qu’aux États-Unis (<3 %) et en Europe (<1,75 %). Même en tenant compte d’un taux neutre légèrement supérieur au Royaume-Uni.
La livre britannique déplore maintenant la perte de soutien des taux et lutte à son tour contre les lois de la gravité (des taux). Le cours EUR/GBP a rompu la zone de support de 0,8383 et cote actuellement au-dessus de 0,84. Une clôture hebdomadaire au-dessus de ce niveau ferait passer la situation technique de la livre de positive à neutre, avec un retour dans la fourchette latérale comprise grosso modo entre 0,84 et 0,86. Dans l'intervalle, le câble (GBP/USD) penche désormais davantage vers le cap psychologique de 1,30 que vers le sommet de l'année de 1,34. Les marchés britanniques et la livre sont donc devenus aussi sensibles aux chiffres du jour que l’euro et le dollar. Ces derniers détermineront le rythme et l’ampleur des baisses de taux de la BoE. Les prochains grands rendez-vous ne sont cependant pas attendus avant le milieu de ce mois, avec le rapport sur le marché de l’emploi et les taux d’inflation de septembre.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC
EUR/GBP : Bailey fait chuter la livre sterling.
