Powell: il y en a pour tous les goûts
Le président de la Fed, Jerome Powell, mérite un coup de chapeau. Alors que tous les regards du monde financier étaient tournés vers lui, il a habilement évité les écueils lors de sa prise de parole devant la National Association of Business Economics. Il s’est cantonné à son rôle, s’en est tenu au script et a laissé à chaque camp des arguments pour étayer sa position. ‑25 ou ‑50 pb le 7 novembre, donc? Le débat n’est pas tranché, il ne le sera pas non plus d’ici la fin de la semaine et selon toute probabilité, nous serons toujours en train d’en parler début novembre.
Powell n’y est pas allé par quatre chemins. Si l’économie se comporte comme prévu, le scénario de base reste de deux abaissements de taux de 25 pb en novembre et décembre. C’était la médiane des prévisions des différents gouverneurs de la Fed dans la mise à jour de septembre. Ayant donné le coup d’envoi au cycle, la banque centrale des États-Unis ne se laisse pas bousculer: le taux directeur sera ramené à des niveaux neutres au fil du temps. Ainsi, si la Fed ne crie pas encore victoire, nous lisons entre les lignes qu’elle est de plus en plus confiante quant à ses chances de réussir ce fameux atterrissage en douceur en 2025. La lutte contre l’inflation aura été remportée, la récession – et l’explosion du taux de chômage – évitée.
Or c’est ici que cela devient délicat. Le président de la Fed admet que la banque centrale des États-Unis porte un regard plutôt optimiste sur la reprise. Si les chiffres déçoivent, le taux pourra être abaissé plus rapidement. En revanche, si l’économie se montre encore plus résiliente ou si la désinflation tourne court, il pourra être maintenu plus élevé pendant plus longtemps. En fin de compte, les chiffres montreront la voie à la Fed. Powell minimise l’importance des projections du taux directeur, qu’il est de notoriété publique que la banque centrale des États-Unis n’apprécie guère. À l’époque du taux zéro, ces projections étaient utiles pour rassurer le marché: la politique monétaire resterait extrêmement accommodante jusqu’à nouvel ordre. Mais dans le contexte de marché actuel, marqué par une incertitude élevée, c’est plus une source de volatilité qu’autre chose.
Hier, les taux américains (à court terme) et le dollar ont rebondi après l’allocution de Powell. Mais ce mouvement pourrait s’inverser dès cet après-midi. Aux États-Unis, nous attendons la publication du nombre de postes vacants pour le mois d’août et de l’indicateur ISM de l’industrie manufacturière axée sur les exportations pour septembre. Depuis le T1 2022, le nombre de postes vacants est en baisse. Il risque à présent de tomber en dessous du sommet pré-Covid pour la première fois. Quant au malaise dans l’industrie manufacturière, il date du T4 2022 et rien ne laisse présager une amélioration soudaine. Tout cela indique que les prévisions du marché se remettront vite à osciller entre 25 et 50 pb. Et cela durera sans doute toute la semaine, après la publication des statistiques du marché du travail (ADP, payrolls) et de l’indicateur ISM du secteur des services. Et puis, le taux d’inflation sera publié à la mi-octobre; début novembre, nous aurons droit à une nouvelle semaine riche en données. Tant que la question de l’ampleur de l’abaissement restera ouverte, nous ne nous attendons pas à une reprise durable du dollar, quelle que soit la trajectoire suivie par la BCE d’ici là.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC