Révision statistique de la BLS: confirmation de la dynamique?

Cet après-midi, le Bureau américain des statistiques du marché du travail (BLS) publiera sa première révision de la croissance de l’emploi pour la période de mars 2023 à mars 2024. Ses recalculs se fondent sur des données plus complètes sur le marché du travail, issues de l’enquête trimestrielle sur l’emploi et les salaires (‘Quarterly Census of Employment and Wages’). Cette enquête reprend environ 95% de tous les Américains salariés, tandis que l’enquête mensuelle sur l’emploi (‘Establishment Survey’), qui permet de calculer les payrolls si importants pour la Fed et les marchés, n’en englobe que près d’un tiers. Depuis le début de la pandémie, quatre fois sur cinq (sauf en 2022), le BLS a revu à la baisse la croissance effective de l’emploi. Les statisticiens relèvent que certaines hypothèses utilisées dans le calcul du payroll ne sont plus tout à fait justes, ce qui donne lieu à une surestimation systématique. Par ailleurs, les chiffres issus de la dernière QCEW (en juin) renvoyaient déjà une image moins optimiste du marché du travail américain. Selon les payrolls mensuels, entre mars 2023 et mars 2024, quelque 2,9 millions de nouveaux emplois ont été créés (moyenne mensuelle de 242 000). Certaines grandes banques américaines craignent cependant que ce chiffre doit être revu à la baisse, à hauteur de 600 000 à 1 million (ce qui fait toujours une moyenne mensuelle de 158 000 emplois).
Ces dernières années, les marchés n’ont pas beaucoup prêté attention aux révisions de la BLS. Leur ampleur est généralement limitée (sauf en 2019: ‑501 000). Jusqu’à présent, ces révisions ont pas non plus remis en question la tendance sur le marché du travail, et de toute manière, la dynamique de l’inflation était considérée comme prépondérante. Les choses se présentent maintenant autrement. L’inflation reste supérieure à l’objectif de 2%, mais la Fed reprend progressivement le contrôle. De ce fait, le second pilier de son mandat, un emploi maximal, gagne en importance, surtout vu que des signaux d’alerte ont été déclenchés au mois d’août. Les payrolls ont été l’un de ces signaux: le taux de chômage a augmenté à 4,3%, déclenchant la ‘règle de Sahm’. Cet indicateur en temps réel indique que l’économie est sur le point d’entrer en récession si la moyenne à trois mois du taux de chômage (ici: 4,13%) dépasse le plancher de l’année précédente (3,5% en juillet 2023) de plus de 0,5 point de pourcentage. Cet après-midi, la révision du BLS pourrait révéler que le point d’inflexion du marché du travail américain pourrait avoir été atteint (beaucoup) plus tôt que prévu.
Au cours de l’été, le recomptage des payrolls a souvent été évoqué comme un risque extrême pour la Fed et les marchés, qui ont suivi le mantra des taux plus élevés pendant plus longtemps. Or début août, les investisseurs ont fortement révisé leurs perspectives relatives au nombre d’abaissements de taux prévus cette année-ci et l’année prochaine. Plutôt que de jouer un rôle perturbateur, la mise à jour du BLS pourrait donc renforcer une dynamique déjà engagée, qui reste pour l’instant propice à une baisse des taux (américains) et du dollar. Le cours EUR/USD tutoie son pic de décembre, à 1,1139. D’un point de vue technique, le seuil de 1,1274/76 (pic de 2023, retracement de 62% sur la baisse du cours EUR/USD en 2021-2022) se profile ensuite.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC
EUR/USD: test du niveau de résistance de 1,1139. Ensuite, le seuil de 1,1274/76 se profilera
