La préparation minutieuse de la BoJ
La Banque du Japon prépare le marché à son premier relèvement de taux depuis 2007, en utillisant une stratégie de communication sophistiquée, où il faut surtout lire entre les lignes. Nous ne sommes pas habitués à cela de la part de la Fed et surtout de la BCE, où Christine Lagarde a, dès son entrée en fonction, fait de la communication simple et claire un de ses principaux chevaux de bataille. Chacun son style...
La Banque du Japon a opté pour une approche minimaliste. Au cours de ces derniers mois, plusieurs gouverneurs ont expliqué en long et en large quel pourrait être l’impact, ou plutôt l’absence d’impact, d’une éventuelle normalisation de la politique monétaire. Uchida est le dernier à s'être plié à l'exercice. En tant que vice-gouverneur et co-architecte de la politique monétaire extrêmement généreuse menée par la banque, ce dernier pèse lourd dans le processus décisionnel de l'institution. Il cite l’exemple des rachats des trackers sur actions (ETF) et des actifs liés à l’immobilier (J-REIT). Depuis 2010, la BoJ a, dans sa volonté d’assouplissement, puisé beaucoup plus loin dans le spectre des actifs financiers que ses collègues de l’Ouest, qui se limitent principalement au marché des obligations d’État. Mais en 2023, la banque centrale a à peine délié les cordons de la bourse. Et donc, comme l’a dit Uchida ce matin, annoncer officiellement la fin de ce programme ne devrait pas provoquer une grande onde de choc. Les achats massifs effectués par la BoJ pendant des années a néanmoins fait d'elle le plus grand détenteur d’actions japonaises. 7 % de la capitalisation boursière totale se trouvent actuellement entre ses mains. Contrairement à un portefeuille obligataire, dont la taille diminue automatiquement au fil des échéances, un stock d'ETF restera stable si aucune vente n'est réalisée. Lors d’une audition parlementaire hier, le gouverneur Ueda n’a toutefois pas donné l'impression de vouloir intervenir rapidement.
La technique de la carotte et du bâton est le deuxième pilier autour duquel la banque centrale japonaise articule sa communication pour préparer le marché à la suppression du plafond sur le taux à dix ans et à la fin du taux directeur (à court terme) négatif. La BoJ a depuis lors déjà assoupli à plusieurs reprises le plafond, qui est passé de 0,25 % (jusqu’en décembre 2022) à une « référence de 1 % » aujourd'hui. Uchida a déclaré hier que l'abandon total de cet instrument (le bâton) ne signifiait pas nécessairement la fin soudaine de tous les achats d’obligations par la banque centrale (la carotte). Le Japon est le dernier pays au monde à afficher un taux directeur négatif (-0,1 %). C'est ici qu'Uchida a fusionné les deux piliers. Même si la BoJ mettait un terme à l’expérience des taux négatifs, les conditions financières resteraient particulièrement souples. Presque tout le monde au sein de la BoJ est d’ailleurs d’accord avec cela. Le vice-gouverneur ne s’attend pas non plus à d'autres mesures agressives une fois que le taux directeur sera repassé au-dessus du seuil de 0 % pour la première fois depuis 2016.
Les membres de la Banque du Japon font de plus en plus souvent la une des grands médias financiers. Cela donne l’impression que la discussion est bel et bien en cours en interne. Dans le procès-verbal de la dernière réunion de politique (janvier), certains ont mis en garde contre le risque de tergiversations inutiles. Ils voient dans les politiques divergentes de la Fed et de la BCE une occasion unique « deux pour le prix d’un » d’arrondir les angles d'une politique monétaire extrêmement accommodante. La réunion du 19 mars arrivera probablement encore trop tôt. Mais entourez bien la date du 26 avril. Les nouvelles prévisions d’inflation pourraient alors laisser entrevoir la possibilité d'atteintre l'objectif, depuis si longtemps inaccessible, des 2 % à la fin de l’horizon politique.