NOK et CHF forts pour des raisons différentes
La Norges Bank (NB) et la banque centrale suisse (SNB) ont toutes les deux pris leur décision de politique hier. Les deux banques maintiennent leur approche relativement orthodoxe, mais cela a plus d'implications politiques pour l’une (NB) que pour l’autre (SNB).
La SNB a laissé son taux directeur inchangé à -0,75 % et cela durera encore un certain temps. La banque a revu ses prévisions d’inflation à la hausse. Elle s’attend à un "pic" de 2,2 % en glissement annuel au cours des deux premiers trimestres de 2022, mais avec déjà un éventuel recul à 0,9 % en 2023/24. La croissance ralentira pour sa part à 2,5 % cette année. La Suisse a peu de liens économiques directs avec la Russie ou l’Ukraine. C’est pourquoi l’impact économique reste surtout limité aux conséquences des prix élevés des matières premières et des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement.
Les prix à l’importation sont bien entendu en partie déterminés par le cours de la monnaie. La SNB répète que le franc reste très fort et laisse la porte ouverte à d'éventuelles interventions sur le marché des changes. Une nuance non négligeable s'impose cependant. La SNB tient compte du différentiel d’inflation avec les autres pays.Dit autrement : dans la mesure où les coûts à l'intérieur des frontières augmentent (beaucoup) plus lentement qu’à l’étranger, un renforcement progressif du franc demeure acceptable. Cette combinaison n’affecte pas la compétitivité et tempère la hausse des prix des produits/matières premières importés. Cela rappelle la philosophie de la Bundesbank allemande avant la création de l’UEM. Les données sur les liquidités suggèrent que la SNB est peut-être intervenue de manière limitée lorsque le franc s’est (trop) rapidement raffermi en début de mois pour atteindre la parité vis-à-vis de l’euro. La banque centrale pourrait néanmoins vivre avec une devise relativement forte, à condition que la hausse ne soit pas trop prononcée. Tant que les incertitudes autour de l’Ukraine persisteront, le franc pourra rester fort. Une dépréciation pourrait avoir lieu si les taux réels repartent à la hausse en Europe sous l'effet d'une solide politique anti-inflation de la Banque centrale européenne. La BCE a déjà fait un premier pas en ce sens, mais l’écart d’inflation avec l’Europe reste élevé. Or, ce sont surtout les prévisions d’inflation plus élevées qui ont fait grimper les taux d’intérêt dans l’UEM. Ce ne sont pas les taux réels qui ont grimpé. Il n'est pas question d’un soutien sans équivoque pour la paire EUR/CHF. Il faudra donc peut-être encore un peu de temps avant que les dominos ne tombent dans le sens d'une véritable correction du franc.
La Norges Bank passe à la vitesse supérieure
Hier, la Norges Bank (NB) a relevé, pour la troisième fois, son taux directeur de 25 pb à 0,75 %. La NB a indiqué qu’un relèvement à 1,0 % en juin était quasiment une certitude. Face à une économie qui tourne au-dessus de sa capacité, un marché de l’emploi solide et une pression croissante sur les prix, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, la NB a revu à la hausse la trajectoire attendue de l’inflation (de base) (2,5 % cette année, 2,4 % en 2023 et 2,5 % en 2024). Ce faisant, la NB accélère et relève également sa trajectoire pour le taux directeur. En décembre, la NB tablait encore sur 1,75 % pour fin 2023. Elle table à présent sur 2,5 %, un niveau supérieur au taux neutre selon elle. Avec cette trajectoire attendue de l’inflation, les taux réels devraient être à peine positifs au sommet du cycle monétaire. Y aura-t-il tout de même encore un ajustement à la hausse ?
Le soutien persistant des taux et, plus encore, la flambée des prix pétroliers ont donné un sérieux coup de pouce à la monnaie norvégienne le mois dernier. Hier, la couronne cotait à son niveau le plus élevé depuis octobre 2018. À court terme, les perspectives sont bonnes pour la NOK, même si son cours commence à intégrer beaucoup de bonnes nouvelles. Sur les graphiques techniques, le cours EUR/USD 9,38 (plus bas de 2018) constitue un prochain seuil, avec un prochain niveau de support à 9,22.
Peter Wuyts, salle des marchés KBC