Le loi du plus fort en attendant les réunions de la Fed et de la BCE
Aujourd’hui, il y a peu de choses à faire face au solide courant de fond qui anime le marché. Les investisseurs ne cachent par leur préférence asymétrique en réagissant à chaque fois qu'un signe indique un renversement rapide de la politique (monétaire). Toute preuve allant dans l’autre sens est simplement ignorée. À l’approche des dernières réunions de politique de la Fed, de la BCE et de la BoE, il n'y a probablement pas grand chose à faire face à cette loi du plus fort qui règne actuellement sur le marché. Par la suite, nous pensons que les nouvelles prévisions de la Fed à propos de son taux directeur marqueront un solide retour à la réalité. En septembre, la banque centrale américaine avait anticipé un taux directeur supérieur à 5 % pour fin 2024. Depuis lors, la croissance a surpris dans le bon sens, le processus de désinflation se déroule comme prévu et la thèse d’un durcissement des conditions financières faisant le travail à la place de la Fed est revenue telle un boomerang. Mais cela sera pour plus tard...
Cette semaine, les principaux moteurs du marché sont les chiffres de l’inflation en Europe et les commentaires du gouverneur de la Fed, Christopher Waller. Les fortes baisses mensuelles des prix de l’énergie et des composants liés au tourisme feront encore baisser une dernière fois les taux d’inflation européens. Le mouvement observé dans les jours qui ont précédé la publication des données a été plus important que celui qui aurait pu être justifié par les chiffres officiels. La nuance selon laquelle les effets statistiques de base fonctionneront dans le sens inverse à partir du mois prochain a complètement disparu. Le gouverneur de la Fed, M. Waller, a donné le ton stratégique juste avant l’entrée en vigueur de l’obligation de silence avant la réunion de la Fed du 13 décembre. Si le processus de désinflation se poursuit « encore 3, 4, 5 mois », il souhaite envisager un abaissement des taux. De l'eau au moulin d’un marché qui, à peine quatre (Fed) ou deux (BCE, BoE) mois après un dernier relèvement de taux, attend déjà le point de basculement de la politique monétaire. C’est une chose de qualifier les plus hauts annuels atteints par les taux à court terme en Europe (swap à 2 ans : 4 %) et aux États-Unis (bons du Trésor à 2 ans : 5,25 %) de sommets cycliques. C'en est une autre de leur faire déjà perdre entre 60 (États-Unis) et 70 points de base (UE) (!) par rapport à ces plafonds.
Dans la catégorie « ça entre par une oreille, ça ressort par l'autre », pointons cette semaine les déclarations de la présidente de la BCE, Christine Lagarde, ainsi que celles d’autres membres de la Fed et de l’OCDE. Lors d’une audience devant le Parlement européen, la patronne de la BCE a évoqué pour la première fois un changement imminent dans la gestion du portefeuille obligataire PEPP. Jusqu’à présent, la réduction naturelle des achats d’obligations face à la pandémie (+-1 800 milliards d'euros) n’est prévue que pour 2025 au plus tôt. Cette communication et cette approche sont en contradiction avec la politique de taux et la réduction progressive du portefeuille APP. En jouant plus rapidement sur le PEPP, la BCE fera passer la normalisation de sa politique à une échelle supérieure et absorbera plus rapidement les liquidités excédentaires. Les collègues de Wallers à la Fed ont délivré des messages un peu plus nuancés , de l'habituel « plus élevés pour plus longtemps » à la nécessité de rester attentifs aux risques de hausse de l'inflation, en passant par la probabilité de 50/50 entre un relèvement des taux et un abaissement des taux. Enfin, dans ses perspectives semestrielles, l’OCDE ne s'engage pas en situant les premiers abaissements de taux aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Europe respectivement au plus tôt au second semestre de l’année prochaine, début 2025 et au printemps 2025.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC