Rupture de style sur le marché des taux

Les marchés

Les banques centrales américaine, européenne et britannique ont pris position en vue de leurs réunions de politique capitales. Nous comblons le vide dans l’agenda en vous proposant une rétrospective des principales évolutions du marché de l’année 2021. Pour commencer: le marché des taux.

Les premiers mois de l’année (des taux) se sont bien déroulés. En novembre 2020, la percée vaccinale avait mis un terme au cercle vicieux des vagues successives de coronavirus et des mesures de confinement strictes. Le marché a pleinement misé sur le scénario reflationniste d’une forte croissance (de rattrapage) doublée d’une hausse de l’inflation. La rapidité de la campagne de vaccination a classé les concurrents: les taux à long terme américains et britanniques ont pris le pas sur les taux européens. De manière sous-jacente, nous avons assisté à une hausse simultanée des taux réels et des prévisions d’inflation. L’extrémité courte de la courbe est restée intacte, sous l’influence de la politique de stimulation de la demande menée par les banques centrales. Illustrative de l’engouement reflationniste, la courbe des taux s’est raidie par le biais des taux à long terme plus élevés.

Sur ces entrefaites, le variant delta est arrivé. Malgré les vaccinations, il s’est avéré que le cercle vicieux ne serait pas si vite rompu. Le variant a en outre augmenté la pression sur les chaînes d’approvisionnement internationales. Les entreprises avaient eu une réaction pavlovienne aux toutes premières mesures de confinement en mettant à l’arrêt une grande partie de la production; vu l’avenir incertain, elles ont préféré puiser dans leurs inventaires pour répondre à une demande en chute libre. Et puis, la demande de rattrapage les a jetées dans une quête frénétique de matières premières et de solutions de transport. Le caractère imprévisible de la menace Covid et le décalage entre les différentes fonctions de réaction nationales ont sonné le glas des processus de production “just in time” de la décennie écoulée. Subitement, dans un contexte de crise sanitaire et d’érosion du revenu disponible par l’inflation, l’avenir économique nébuleux n’a plus permis ces pratiques. Pendant l’été, les taux à long terme ont viré de bord, la composante des taux réels dégringolant à de nouveaux planchers. Au revoir reflation, bonjour stagflation: une croissance structurellement plus faible combinée à une inflation structurellement plus élevée.

Bon gré mal gré, les banquiers centraux ont dû s’adapter à cette nouvelle dynamique. Un par un, ils ont changé leur fusil d’épaule: d’abord jugée temporaire, l’inflation s’est faite plus durable. D’un monde axé sur le soutien à la croissance pour rendre l’inflation trop faible plus conforme à l’objectif, nous sommes passés à un contexte de normalisation de la politique pour refroidir la flambée inflationniste. Le niveau absolu de l’inflation a déterminé le moment du revirement, même si certains décideurs s’accrochent encore mordicus au scénario passéiste d’une inflation “temporaire”. L’année prochaine, les Powell, Bailey et autres Lagarde de ce monde seront en territoire inconnu. Ils devront mener la politique monétaire dans un monde où la demande n’est plus reine, ce phénomène inflationniste étant issu du côté de l’offre. Les réactions des taux américains et britanniques au virage de la BoE et de la Fed donnent un aperçu de ce à quoi ce nouveau monde pourrait ressembler. Malgré la réduction prévue des programmes d’achat d’obligations, la partie courte de la courbe des taux a fortement augmenté. Sur la partie longue, la hausse a été beaucoup plus limitée, comme en témoigne la courbe des taux plus plate. Le marché en conclut que les banques centrales devront rapidement procéder à des relèvements des taux, mais que l’affaiblissement de la croissance mettra aussi vite un terme au cycle des taux. C’est ainsi que le serpent se mord la queue… Le taux directeur neutre, plus bas qu’auparavant, semble participer à l’inertie sur l’extrémité longue de la courbe. La mesure dans laquelle l’inflation retombera effectivement vers l’objectif l’année prochaine confirmera ou infirmera cette hypothèse.

En Europe centrale, l’inflation continue de grimper structurellement, malgré les relèvements des taux d’intérêt. En testant ce scénario, ces pays donnent un aperçu possible de la dynamique des taux de l’année prochaine. Le premier constat est que les taux à long terme peuvent encore monter en termes absolus. Le deuxième est que l’aplatissement de la courbe des taux se traduit rapidement, dès le début du cycle de resserrement monétaire, par une inversion de la courbe des taux.

Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC

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Ce document a été préparé par le desk KBC – Economic Markets et n'a pas été rédigé par le département Research.  Le desk est composé de Mathias Van der Jeugt, Peter Wuyts en Mathias Janssens, analysts  à KBC Bank N.V., entreprise réglementée par l'Autorité des marchés et des services financiers (FSMA). Ces recommandations de marché sont le résultat d'une analyse qualitative, dans laquelle il y a place pour l'expérience passée et les évaluations personnelles. Les avis sont basés sur les conditions actuelles du marché et peuvent être modifiés à tout moment. Les contributions les plus importantes proviennent de données accessibles au public, de nouvelles financières, de la politique économique et monétaire et d'analyses techniques actuelles. Le desk desk KBC – Economic Markets a fait des efforts raisonnables pour obtenir ces informations de sources qu'il considère comme fiables, mais le contenu de ce document a été préparé sans faire une analyse substantielle de ces sources. Aucune évaluation n'a été faite pour déterminer si ces informations sont appropriées ou non pour un investisseur particulier. Les avis sont nos avis actuels à la date indiquée sur ce document et peuvent différer des recommandations précédentes en raison de l'évolution des conditions du marché. Les auteurs ne garantissent pas l'exactitude, l'exhaustivité ou la valeur (commerciale ou autre) de ce document. De même, les auteurs ne sont pas responsables envers quiconque reçoit ce résumé de toute perte ou dommage (qu'il s'agisse d'un délit (y compris la négligence), d'une rupture de contrat, d'une violation de la loi ou d'autres obligations) résultant d'un acte ou d'une omission sur la base de ce contenu, ou de toute réclamation contre les auteurs concernant le contenu ou les informations contenues dans ce document. Toutes les opinions exprimées dans le présent document reflètent le jugement au moment de la préparation de l'examen et sont susceptibles d'être modifiées sans préavis. Étant donné la nature de cet avis (lié à la monnaie et aux taux d'intérêt), il n'est généralement pas de nature spécifique.   Il n'y a donc aucune référence à un quelconque contrat de financement d'entreprise et il n'y a donc pas de vue d'ensemble sur 12 mois basée sur les différents avis. Ce document n'est valable que pour une période très limitée, en raison de l'évolution rapide des conditions du marché.

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