Powell inflige une douche froide aux marchés
Hier soir (heure belge), les gouverneurs de la Réserve fédérale se sont réunis. La décision en soi, un quatrième relèvement des taux successifs de 75 points de base à 3,75-4%, n’a surpris personne. C’est surtout la suite qui s’est avérée importante: par facilité, scindons la journée de la Fed en deux parties.
Première partie: la publication de la déclaration de politique. Il n’y avait pas beaucoup de changements, à un paragraphe essentiel près. La Fed indique que d’autres relèvements seront nécessaires, mais qu’elle tiendra compte du resserrement déjà opéré et du temps qu’il faudra pour que ses effets se fassent sentir dans l’économie. Autrement dit: “nous allons ralentir quelque peu le rythme”. Excellente nouvelle pour les marchés, qui attendent (espèrent) depuis longtemps le début de la fin de ce cycle de resserrement historique. La réaction n’a pas tardé: les bourses américaines, le Nasdaq en tête, ont gagné plus de 2%. Les taux ont dégringolé et les pertes sur la partie courte de la courbe se sont rapidement élevées à 11 pb. Le dollar a encaissé. Le cours EUR/USD a testé un premier niveau de résistance proche de 0,995. La devise a même dû s’incliner face au yen japonais.
“Bon, le message n’a pas été reçu”, a dû se dire Powell en coulisses, penché sur son smartphone. Le président de la Fed a ainsi entamé la deuxième partie, la conférence de presse, avec un objectif clair en tête: tempérer l’euphorie. Il a confirmé que le cycle de taux ralentirait, en ajoutant toutefois que ce ne serait pas nécessairement dès le mois de décembre et qu’il faudrait peut-être attendre jusqu’en février. Pour l’instant, la rapidité des interventions n’est plus la priorité, a déclaré Powell. Cette phase est terminée pour la Fed. Les questions d’actualité sont: jusqu’où faudra-t-il relever les taux et pendant combien de temps la politique monétaire devra-t-elle rester restrictive? Après la réunion de septembre, la réponse à la première question était: jusqu’à 4,5-4,75%. Hier, Powell a déclaré que si la Fed avait dû faire une nouvelle estimation – ce qui ne sera le cas qu’en décembre –, le taux serait plus élevé. Cela s’explique par une énième mauvaise surprise au niveau de l’inflation et par la résistance du marché du travail. Il a précisé que vu les circonstances, la Fed ne peut pas se permettre de faire une pause sur la voie vers ce taux plus élevé. Et si la Fed estimait déjà en septembre que la politique monétaire devait rester restrictive sur l’ensemble de l’horizon de politique (jusqu’en 2025), elle n’aura eu aucune raison de changer d’avis hier. Powell se rend compte qu’une récession est désormais inévitable. Mais c’est un prix que la Fed est prête à payer pour assurer l’ancrage des anticipations inflationnistes.
Après une petite heure de conférence, Powell a quitté le podium. La Fed est encore loin d’envisager la fin du cycle et il se devait de mettre les points sur les i. Mission accomplie: les marchés ont replongé en territoire négatif (> -3% pour le Nasdaq). Les taux américains aussi ont subi un retour de balancier, enregistrant en définitive des gains de plus de 7 pb pour les échéances à court terme. Et aujourd’hui, les gains subséquents ne se sont pas fait attendre sur les bourses européennes. Le taux à deux ans (4,7%) surpasse le précédent sommet cyclique (4,63%). Après hier, le pic des taux est probablement bien supérieur à 5%, ce qui implique un potentiel haussier supplémentaire. Le dollar a trouvé un second souffle. Le cours EUR/USD avait récemment quitté son canal baissier (2022): un coup dans l’eau, après les remous d’hier.