Exit Truss
Le show politique britannique s’est transformé en tragédie pour Liz Truss hier. Dans un discours de moins de deux minutes, cette dernière a annoncé qu'elle démissionnait de son poste de première ministre. Et ce, moins d’une semaine après avoir sacrifié Kwasi Kwarteng, l’ancien ministre des Finances, à cause d'une révolution fiscale qui lui est revenue au visage tel un boomerang. Les deux Tories entrent donc dans l’histoire, mais pas pour de bonnes raisons. Kwarteng aura tenu 38 jours, le mandat le plus court d'un ministre des Finances depuis près de 190 ans. Avec 44 jours, Truss est quant à elle la Première ministre qui sera restée le moins longtemps en exercice de l'histoire. Cela ne l'a pas empêchée de connaître deux monarques, ce qu'aucun autre premier ministre de l’après-guerre n'aura fait. Truss et Kwarteng paient le prix des réductions d'impôts les plus radicales réalisées depuis les années 1970. Par leurs mesures, ils ont provoqué une effondrement de la livre sterling, qui est tombée à un nouveau plancher par rapport au dollar américain. Et ils ont aussi amené l’économie au bord d’une crise systémique. Des raisons suffisantes pour démissionner.
La course au poste de Premier ministre bat déjà son plein. La compétition n'aura pas l'ampleur de celle que nous avons connue en juillet dernier après la démission de Boris Johnson et à l'issue de laquelle deux "finalistes" avaient été choisis parmi de nombreux candidats. Pour pouvoir prétendre au poste, les candidats devront d’abord obtenir le soutien d’au moins 100 des 357 députés conservateurs. Les candidatures seront ouvertes jusque lundi après-midi. Étant donné ces règles, il n'y aura pas plus de trois candidats en lice. Rishi Sunak est le favori des bookmakers. Ce dernier avait perdu la bataille contre Truss lors de la campagne précédente il y a six semaines. Penny Mordaunt avait dû jeter l'éponge un tour plus tôt, mais elle est aujourd’hui de nouveau bien placée. La troisième position est pour le moment occupée par rien de moins que... Boris "Hasta la vista, baby" Johnson. Il s’agirait du revirement ultime sur la scène politique britannique. Y a-t-il quelqu’un qui oserait l’exclure ?
Cet énième rebondissement dans une saga normalement propre aux pays du tiers-monde a eu un impact limité sur la livre sterling hier. La devise a clôturé à un niveau plus ou moins inchangé par rapport à l’euro, avec un cours EUR/GBP juste au-dessus de 0,87. Même les marchés n’osent pas tirer de conclusions pour l’instant. L’événement a d’ailleurs aussi des conséquences pour la Banque d’Angleterre. L’actuel ministre des Finances, Jeremy Hunt, va très probablement reporter son grand exposé au-delà du 31 octobre. Si ce dernier a déjà annulé le programme économique de Truss, la BoE n'aura, quoiqu'il arrive, encore aucune idée précise des intentions exactes (et des prévisions) du nouveau gouvernement lors de sa réunion de début novembre. Or, c'est entre autres sur cette base que la banque centrale pourrait appuyer à fond sur la pédale de frein, avec un relèvement de taux de 100 pb, voire plus. La probabilité d'une intervention à ce point agressive a en tous les cas diminué. Et les chiffres désastreux des ventes au détail publiés ce matin réduisent encore cette probabilité. Les marchés monétaires britanniques tablent désormais sur un resserrement de 75 points de base. La livre n’apprécie pas beaucoup cette instabilité politique. Sous Truss, la devise avait renoncé à une hausse considérable des primes de risque. Mais avec un nouveau gouvernement probablement conservateur sur le plan fiscal, le pays risque de connaître une récession plus douloureuse dans un avenir proche.