CNB : le faucon d’autrefois
Lorsqu'Aleš Michl a remplacé Jiri Rusnok à la tête de la banque centrale tchèque au milieu de l’année dernière, le marché craignait un changement de régime. D’un faucon notoire en lutte contre l’inflation à une colombe soucieuse de la croissance. Nouveaux patrons, nouvelles règles. Cette crainte ne s’est pas avérée totalement fondée par la suite. Sous la houlette de Michl, la CNB n’a pas relevé son taux directeur au-delà de 7 %, le niveau auquel il se trouvait au moment du départ de Rusnok. Et il n'y a pas eu non plus de revirement soudain de la politique.
Hier, la CNB a même profité de l’occasion pour rafraîchir un peu son image de faucon. Elle a ainsi décidé de laisser son taux inchangé pour la onzième fois consécutive, à 5 voix contre 2. Tant les marchés que les analystes s'attendaient pourtant à ce que Prague entame son cycle d’assouplissement, avec une baisse de 25 points de base. Cela s’explique par la forte désinflation observée en septembre (de 8,5 % à 6,9 %). Cette désinflation a non seulement surpris la CNB par sa vigueur, mais elle a aussi poussé le taux directeur réel (corrigé de l’inflation) en territoire positif pour la première fois depuis des années. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que l'on peut vraiment parler de politique monétaire restrictive. Mais cela ne durera pas et la CNB en est bien consciente. En octobre, l’inflation aura rebondi pour des raisons statistiques, à 8,3 % selon les estimations. À partir de l’année prochaine, le processus de désinflation s’intensifiera, mais cela ne sera en partie qu'un mouvement de façade. La CNB s’attend en effet à ce que la tension sous-jacente sur les prix (hors alimentation et énergie) tournera toujours autour de 3 % en moyenne en 2024. La CNB s'inquiète dès lors d'un possible dérapage des anticipations d'inflation des entreprises et des consommateurs, qui pourrait en effet déboucher sur une spirale prix/salaires difficile à maîtriser.
Il est significatif de constater que la banque centrale maintient un taux directeur élevé même après avoir revu ses prévisions de croissance à la baisse. Pour cette année, elle s’attend à une contraction de 0,4 %. L’année prochaine, l’économie devrait, selon elle, se redresser de 1,2 %. L’été dernier, la banque tablait encore sur des taux de respectivement +0,1 % et 2,3 %. Cette révision à la baisse ne se traduit en outre pas par une baisse plus prononcée (par rapport à la dernière mise à jour) du taux directeur dans les prévisions. Celles-ci font toujours état d'une baisse de 50 pb en décembre. Et la CNB estime même que c’est exagéré. Quand l'heure sera venue, la banque explique que l’assouplissement monétaire sera modéré et progressif. En d'autres termes, il se fera par palier de 25 points de base. Une telle prudence s'impose pour ne pas faire chuter la devise. Les Polonais en savent quelque chose. La couronne tchèque reste vulnérable pour la CNB. Cette dernière a vu dans la récente dépréciation un argument supplémentaire pour ne pas agir tout de suite. KBC Economics estime que la banque commencera son assouplissement en décembre, mais le risque qu'elle ne démarre qu'en début 2024 est bien réel. Le marché monétaire tchèque semble partager notre scénario. Les dommages collatéraux sur la CZK pourraient donc rester limités lorsque la banque centrale franchira effectivement le pas. La recherche d’un taux directeur réel positif (bien que non officiellement annoncée) jouera à cet égard un important rôle d'amortisseur. Comme toujours, le calme relatif sur les marchés (des taux) mondiaux constituera une condition préalable importante, non seulement pour la couronne, mais aussi pour les autres monnaies de la région. La zone EUR/CZK 24,65 - 24,7 (l’ancien niveau d’intervention) est depuis hier devenue un solide niveau de support pour la couronne tchèque.