‘Behind the curve’: un cas d’école!!
Les marchés attendent avec impatience la décision de la Fed et la réunion de politique de la BCE demain. Toutes deux donneront de nouvelles projections, qui peuvent toujours surprendre. Pourtant, les marchés (des taux) et les banques centrales concernées sont pour l’instant plus ou moins sur la même longueur d’onde – surtout maintenant que les marchés excluent en grande partie des abaissements de taux de la part de la Fed plus tard dans l’année. Encore au moins un relèvement (Fed) ou deux (BCE), et puis, il faudra laisser ces mesures agir pendant un certain temps. Plus tard, l’inflation pourrait s’avérer plus tenace que prévu, mais le marché et les banquiers centraux y réagiront à ce moment-là. Cependant, au Royaume-Uni, les marchés sont encore loin d’être synchronisés avec la Banque d’Angleterre, comme en a témoigné le rebond de 30 points de base des taux à court terme hier.
Fin mai, le taux d’inflation plus élevé que prévu (avril) a provoqué des ventes de panique sur le marché des obligations britannique. La même chose s’est produite ce mardi après la publication de chiffres solides sur le marché de l’emploi. Pour couronner le tout, la croissance salariale a connu une forte accélération (de 7,2% en glissement annuel). Les marchés contrastent ces chiffres avec l’engagement réticent de la BoE dans la lutte contre l’inflation. Pour ce qui est de nouvelles mesures: la BoE a déclaré ‘garder à l’œil les signes d’une pression persistante sur les prix, y compris la pénurie sur le marché du travail, la croissance des salaires et l’inflation des services. En cas de pression élevée persistante, de nouvelles mesures de resserrement monétaire sont indiquées’. C’est bien dit, mais c’est surtout exprimé au conditionnel. En fait, Bailey et ses collègues veulent limiter autant que possible les relèvements de taux. Les perspectives tablent depuis un moment sur un ralentissement prononcé de l’inflation en raison des effets de base, des mesures de resserrement déjà appliquées et du ralentissement de la croissance. Or jusqu’à présent, la banque centrale n’a fait qu’attendre Godot…
En septembre dernier, le marché avait perdu confiance dans la politique fiscale du gouvernement Truss-Kwarteng, provoquant un krach des obligations à long terme (principalement). Aujourd’hui, ce même marché émet clairement une motion de méfiance vis-à-vis de la Banque d’Angleterre. Hier, le taux à 2 ans a grimpé de 27 pb à 4,9%, dépassant le sommet de la panique de septembre et atteignant le niveau le plus élevé depuis la crise financière de 2008! Les marchés monétaires tablent sur un taux directeur (de 4,5% actuellement) de 5,75% à la fin de cette année/au début de l’année prochaine. C’est un cas d’école d’une banque centrale ‘behind the curve’ selon les marchés. Avec une approche trop laxiste en début de cycle, il faut mettre les bouchées double par la suite et maintenir un taux élevé plus longtemps. Cela se paie par une perte de croissance. Après le ‘krach obligataire’ d’hier avant la réunion de la BoE de la semaine prochaine, le fait que le marché table toujours sur 25 pb (et non 50) n’est pas bon signe pour la confiance envers l’engagement de la BoE. Le président Bailey, qui s’est contenté hier de déclarer laconiquement qu’il faudra patienter avant que l’inflation ne refroidisse, n’améliore pas les perceptions.
Après un départ lent, ‘the King’s Money’ a tout de même profité du soutien des taux. Le cours EUR/GBP teste l’important niveau de support autour de 0,8540/50. Pourtant, on s’attendrait à plus avec un tel sursaut des taux. D’un côté, il est possible que le marché ne soit pas convaincu que la BoE fera le nécessaire. De l’autre, si la banque centrale relève fortement les taux ‘parce qu’elle n’a pas le choix’, il y aura presque certainement une récession. À court terme, la dynamique est positive pour la livre en raison du soutien généreux des taux d’intérêt, mais il ne faudrait pas grand-chose pour renverser cet équilibre.