Que la partie de poker commence
Lors des élections d’hier, le SPD d’Olaf Scholz est devenu la plus grande fraction du parlement fédéral allemand. Le verdict est tombé; mais il n’est pas encore possible de prédire avec certitude qui deviendra chancelier, ni avec quelle coalition. Les élections marquent cependant une rupture structurelle dans le paysage politique allemand, qui passe d’un système avec deux grands partis populaires (le CDU/CSU et le SPD) et quelques petits partis à un système avec quatre partis de taille moyenne (avec les verts et les libéraux). Cela signifie aussi que pour la première fois, il est fort probable que trois familles politiques différentes fassent partie de la coalition. Cela laisse plusieurs possibilités et la composition du nouveau gouvernement allemand est encore incertaine.
Le résultat des élections clarifie cependant les règles de base. Pour commencer, une coalition de gauche du SPD, des verts et de Die Linke n’est pas envisageable. Cela affaiblit la position de négociation du SPD lors des discussions avec les libéraux. En outre, comme personne ne veut s’entretenir avec le parti d’extrême-droite AfD, le nouveau gouvernement sera de toute façon formé à partir du centre politique. C’est un facteur important de stabilité nationale et européenne.
Quelles sont les coalitions possibles?
D’un point de vue politique, trois variantes de coalition sont possibles. La première reviendrait à conserver la “Grande Coalition” actuelle du CDU/CSU et du SPD, mais cette fois sous la direction du SPD. Cette possibilité n’intéresse aucun des deux partenaires et certainement pas le CDU/CSU, qui deviendrait partenaire junior. Mais elle ne peut pas être tout à fait exclue à titre de solution d’urgence. En droit électoral allemand, le seuil à franchir pour organiser de nouvelles élections est en effet élevé.
Les deux autres variantes possibles se fondent sur l’axe des verts et des libéraux, faiseurs de rois du gouvernement à venir. Dimanche soir, il est rapidement apparu que les deux partis entendaient explorer un compromis politique sur leurs visions très divergentes, en particulier sur le budget et la politique climatique. Ce compromis trouvé, l’axe politique pourrait déterminer qui, du CDU/CSU ou du SPD, lui offre les meilleures chances de réussite. Ce scénario serait une redite de celui qui a suivi les élections régionales du Schleswig-Holstein en 2017.
La formation du gouvernement prendra du temps
La formation du gouvernement prendra plus de temps que d’habitude. Compte tenu de la possibilité d’une Grande Coalition, aucun des quatre partis ne peut tenir pour acquise sa participation au gouvernement. Mais le fait que le prochain gouvernement sera une coalition centrale assurera un degré élevé de continuité dans la politique budgétaire et européenne, de par la participation au gouvernement des libéraux et/ou du CDU/CSU. En outre, le fameux principe du “frein à l’endettement” est inscrit dans la constitution et il n’y aura en aucun cas la majorité des deux tiers nécessaire pour le modifier.
La fragmentation du paysage politique se traduira par des pouvoirs plus limités pour le chancelier ou la chancelière. Son identité définitive n’est donc pas si importante… à un détail près: Scholz est connu pour ses positions clairement pro-européennes. En tant que ministre des Finances, il s’est réjoui de l’émission d’obligations européennes et y voit un précédent pour l’avenir. Mais même s’il devient chancelier, il devra composer avec l’attitude plus sceptique des libéraux sur ce plan.
Dieter Guffens, Senior Economist KBC Group