La Chine comme messagère des temps à venir
Ces temps-ci, la Chine fait régulièrement la une de l’actualité. Plus tôt cette semaine, le pays a attiré l’attention en sévissant contre les entreprises cotées à l’étranger avec des règles plus strictes en matière de big data. Les valeurs technologiques chinoises ont été vendues en masse. Or ce matin, la Chine a publié un communiqué avec un impact encore plus étendu pour le marché.
Les autorités ont indiqué que la BPC, la banque centrale chinoise, pourrait assouplir sa politique monétaire si cela s’avérait nécessaire. Elles ont notamment fait référence aux réserves que les institutions financières doivent obligatoirement détenir, l’instrument de politique le plus utilisé par la banque centrale. En abaissant le niveau des réserves obligatoires, la BPC accroît la marge pour l’octroi de crédit à l’économie réelle et surtout aux (plus) petites entreprises et soutient la croissance, selon le raisonnement sous-jacent.
Il s’agit là de plus qu’une simple annonce technique. La pandémie a vu le jour en Chine; les mesures de confinement qui ont dû être imposées dans le monde entier sont entrées en vigueur pour la première fois en Chine, de même que leur assouplissement par la suite. Autrement dit: le pays est à l’avant-garde du cycle économique et sa situation pourrait dès lors présager celle des États-Unis, puis de l’Europe. De ce point de vue, l’annonce de ce matin n’est guère rassurante. Un ralentissement majeur de la reprise post-pandémique se profilerait-il à l’horizon? En soi, ce ne serait pas si inattendu. Les données chinoises, comme l’indice PMI de confiance des entrepreneurs, l’indiquent maintenant depuis quelques semaines. La hausse des prix des matières premières mine notamment la reprise. L’annonce met surtout le doigt sur un problème auxquels les marchés américains et européens sont déjà confrontés.
Cela fait longtemps que les marchés des taux suivent la chronologie économique (voir graphique). À la fin de l’année dernière, le taux d’intérêt chinois à dix ans a atteint son sommet cyclique, suivi par les États-Unis à la fin du premier trimestre, avec l’Allemagne/l’Europe dans son sillage (mi-mai). D’après nous, le mouvement correctif qui s’est ensuivi était contrôlé et ne présentait rien d’anormal. Cependant, l’accélération considérable des baisses ces derniers jours est plus frappante. Depuis la publication du rapport sur le marché de l’emploi américain vendredi dernier, le génie est sorti de la bouteille: la hausse inattendue du taux de chômage, suivie d’un net recul de la confiance des entrepreneurs américains (indice ISM des services), assaisonnés de chiffres européens peu convaincants, ont fait s’essouffler l’élan reflationniste. Le marché s’inquiète à propos de la croissance. Pour preuve, prenons les taux réels: ils sont repassés sous la barre de -1% aux États-Unis, tandis que l’Allemagne renoue avec des planchers historiques proches de -1,75%. Bon nombre d’investisseurs voient à présent leurs craintes confirmées. Un repositionnement agressif se poursuit ce matin. Le taux à 10 ans en Chine flirte avec le soutien de 3%. Aux États-Unis, il a chuté de 6 points de base. Le rebond du cours aux alentours de 1,21% en février sert de point de référence technique clé. L’Allemagne (-4,4 pb) affiche une zone de support proche de -0,30%. Et contrairement aux derniers jours, les marchés des actions n’y coupent pas. Ennuyeux, l’été? Pour l’instant, il n’y a pas lieu de s’en plaindre.