“The times they are a-changin’”…

2021 était l’année de tous les espoirs, celle où les vaccins devaient nous permettre de retrouver peu à peu une vie sociale normale et restaureraient l’économie, même si un long processus de rééducation attend toujours de nombreuses entreprises et le marché du travail. En soi, ce scénario est toujours d’actualité. Les mesures d’aide fiscales et monétaires permanentes soutiennent ce processus de reprise progressive. Les banques centrales maintiendront des taux extrêmement bas pendant des années encore: elles se sont clairement engagées à préserver durablement un contexte monétaire souple et à garantir des taux faibles par le biais d’achats (massifs) obligations d’État. Ainsi et malgré le spectre de la “reflation”, ces perspectives devaient notamment se traduire par des marchés des taux tranquilles, voire ennuyeux, tout particulièrement en 2021.
Pourtant, la semaine dernière, il nous semblait déjà sentir souffler un petit vent de changement. Désormais, ne parlons plus de tranquillité ni d’ennui: sans qu’il y ait un krach obligataire, les choses évoluent vite. Quelques exemples? Ce matin, le taux à 10 ans australien a grimpé de pas moins de 17 pb – et ce, malgré les achats obligataires réalisés dans le cadre de l’assouplissement quantitatif de la Reserve Bank of Australia (RBA). Depuis début février, le taux à 10 ans y a même grimpé de 45 pb! En temps normal aussi, c’est un mouvement que l’on peut qualifier de “solide”. Encore quelques exemples “au hasard”: depuis le début du mois, le taux britannique à 10 ans a grimpé de 37 points de base, le taux américain de 29 points de base et le taux allemand de 22 points de base. Sur la partie courte des courbes de taux, il règne généralement encore un calme relatif. La crédibilité de la promesse de maintenir les taux directeurs bas “sine die” n’est pas contestée à ce stade. Toutefois, même là, l’édifice commence à se fissurer… La RBA, qui s’est engagée à maintenir également le taux à 3 ans à 0,1% par le biais du “yield curve control”, éprouve maintenant plus de difficultés à s’y tenir (0,127%). En Tchéquie, où la banque centrale a annoncé un relèvement relativement rapide des taux, les taux ont entre-temps grimpé de plus de 30 pb sur l’ensemble de la courbe à partir de 2 ans depuis le début du mois.
Quelques réflexions à ce sujet. Il arrive que les marchés réagissent de façon excessive. Le succès des campagnes de vaccination dans des pays comme le Royaume-Uni, les États-Unis ou Israël a mis du baume au cœur à tous ceux qui espèrent une normalisation accélérée. Pour autant, il est difficile de dire si la reprise sera telle que les (grandes) banques centrales devront rapidement changer leur fusil d’épaule. D’un autre côté, cette hausse marquée des taux à long terme montre que la capacité des banques centrales à diriger l’ensemble de la courbe des taux est peut-être moins absolue que ce que beaucoup d’observateurs avaient conclu sur la base de l’expérience “réussie” du “yield curve control” au Japon. À cet égard, l’inflation et les prévisions d’inflation pourraient représenter un facteur “perturbateur”. Au Japon, elles sont toujours restées faibles. Or si ces prévisions repartent à la hausse (comme le voulaient d’ailleurs les banques centrales), le taux nominal devient apparemment aussi plus difficile à contenir. Dans un premier temps, la hausse des prévisions d’inflation est encore allée de pair avec un taux réel durablement bas. Mais pourquoi, en tant qu’investisseur en emprunts d’État américains, par exemple, vous contenteriez-vous d’un taux réel négatif de 1% si vous prévoyez des taux de croissance de l’ordre de 5% pour cette année et l’année prochaine? Suivant cette logique, ces derniers jours, nous avons assisté à une forte hausse des taux réels.
Pour conclure, les taux d’intérêt (réels) extrêmement bas sont un facteur qui a soutenu de nombreux autres marchés et qui a contribué à un faible niveau de volatilité. Pour l’instant, ces taux sont encore très négatifs et le resteront pendant un certain temps. Nous sommes cependant curieux de voir si ce processus n’entraînera pas progressivement un regain de volatilité sur d’autres marchés tributaires de la faiblesse des taux réels. L’œil sur le VIX et d’autres indicateurs de volatilité, nous guettons une nouvelle hausse des taux…