Le covid-19 frappe l'emploi de plein fouet
Comme prévu, le coronavirus devrait avoir un impact désastreux sur l'économie en général et sur le marché du travail en particulier. Les avis divergent encore quant à l'ampleur exacte des dégâts. Mais une chose est déjà sûre: nous vivons une crise inédite. Comme en attestent d'ailleurs plusieurs chiffres affolants publiés hier. Commençons par l'Europe. L'Espagne a publié hier ses chiffres mensuels du chômage. En mars, le pays a enregistré plus de 300.000 demandeurs d'emplois supplémentaires. À titre de comparaison, ce chiffre n'avait pas dépassé la barre des 200.000 au plus fort de la crise financière de 2008/2009 ou de la crise des dettes de 2011/2012. Une situation particulièrement difficile pour un pays qui, avec un taux de chômage de quasiment 14%, occupe une triste avant-dernière place dans l'UE. La France a mis en place un système de chômage partiel auquel les entreprises peuvent avoir recours en cette période de pandémie. L'État paiera environ 80% des salaires des travailleurs touchés. En échange, les entreprises s'engagent à ne pas licencier. Hier, la ministre du Travail française a communiqué des chiffres pour le moins interpellants à ce sujet: pas moins de 400.000 entreprises ont déposé une demande, pour 4 millions de travailleurs - soit grosso modo 15 à 20% de la population occupée totale. Un programme plus ou moins similaire en Allemagne a, en début de semaine, été sollicité par plus de 500.000 entreprises.
Les États-Unis, actuel épicentre de la pandémie, ne sont pas non plus épargnés. Dans ce pays, les demandes d'allocations de chômage y sont scrutées comme une sorte de "payrolls" provisoire. Cet indicateur régulier (hebdomadaire), qui donne un bon instantané de la situation, fait l'objet d'une attention beaucoup plus prononcée depuis quelques semaines. C'est l'un des premiers à avoir reflété l'impact réel de la crise du coronavirus. Le rapport sur l'emploi ADP publié plus tôt cette semaine et les "payrolls" prévus cet après-midi sont moins fiables à cet égard. Au cours de la semaine du 16 au 21 mars, les demandes d'indemnités ont explosé à 3,3 millions, un niveau qui n'avait jamais été atteint auparavant. Et le chiffre de la semaine passée, publié hier, a carrément doublé (!), à 6,6 millions. 10 millions de demandes en à peine deux semaines! Le précédent record s'élevait à "seulement" 671.000 (en 1982). Au pic de la crise financière, ce sont 665.000 demandes qui avaient été introduites. C'est le type de données pour lesquelles l'échelle logarithmique a été inventée.
L'impact du covid-19 restera extrêmement négatif à court terme. Les nombreuses mesures monétaires et budgétaires permettront vraisemblablement d'amortir une partie du choc, mais leurs effets ne se feront pleinement ressentir qu'à moyen terme. Nous pensons notamment à l'aide financière offerte aux ménages, qui ne pourront recommencer à consommer totalement qu'une fois les mesures de quarantaine levées (quel gouvernement osera franchir le pas?). Les derniers chiffres dramatiques publiés (aux États-Unis) l'ont encore rappelé au marché. La réaction la plus marquante a été observée sur le marché des changes - mais celle-ci a tout de même de quoi surprendre. Le dollar s'est en effet apprécié. Le cours EUR/USD est passé sous le niveau de support de 1,09, dans ce que nous considérons comme un réflexe pavlovien de fuite vers le "refuge" que représente le billet vert. La faiblesse générale de l'euro joue aussi un rôle. Cette semaine, la monnaie européenne perd du terrain par rapport à pratiquement toutes les autres grandes devises. Le marché attend-il une réponse claire de l'Europe face à la crise? À cet égard, nous suivrons avec attention le sommet des ministres des Finances prévu mardi prochain. Aujourd'hui, nous nous concentrerons surtout sur les "payrolls" cet après-midi et sur l'évolution de la paire EUR/USD. Un cours à 1,0778 équivaut à un niveau de support crucial. Sur le plan technique, une rupture ouvrirait la voie à un retour au plus bas de 2020 (1,063).