La MNB "forcée" d'intervenir?
Ces dernières années, de nombreuses banques centrales ont mis tout en œuvre pour stimuler la croissance et ramener l'inflation à un niveau acceptable. Certains pays en avaient plus besoin que d'autres. La Hongrie a notamment déjà été très loin dans ce domaine. Le gouvernement hongrois a ainsi pu compter sur le soutien indéfectible de la banque centrale (MNB) pour sa politique de croissance. La croissance est passée avant tout et la MNB n'a pas eu trop peur d'une hausse de l'inflation ou d'une dépréciation du forint.
Avec des taux directeurs de 0,9% et -0,05% (taux de dépôt), les taux d'intérêt réels (taux moins inflation) sont restés extrêmement bas/négatifs. Une situation a fortiori compréhensible pour un pays qui a encore du chemin à parcourir en termes de convergence économique afin d'arriver au même niveau que les pays industrialisés "classiques". La politique extrêmement souple de la BCE, avec un taux directeur négatif de -0,5%, a aussi permis aux banques centrales de la périphérie de l'UEM de mener une politique beaucoup plus accommodante que cela n'est en principe possible dans des "circonstances normales".
Contrairement à la situation générale dans l'UEM, cela fait déjà quelque temps que l'inflation est repartie à la hausse dans certains pays d'Europe centrale. Ainsi, la Hongrie a fait état hier d'un taux d'inflation de 0,9% en glissement mensuel et de 4,7% en glissement annuel. L'objectif de la MNB est de 3%, avec un écart (provisoire) toléré de +/- 1%. La MNB dispose de sa propre mesure d'inflation sous-jacente. Et celle-ci se situe toujours dans la fourchette de tolérance (3,7%). Cela n'a cependant pas empêché le marché d'arriver à la conclusion que la MNB ne pourrait plus maintenir sa politique actuelle longtemps. En outre, le forint a touché un nouveau plus bas historique vis-à-vis de l'euro en début de semaine, aux alentours de EUR/HUF 340. Toutes choses étant égales par ailleurs, cette faiblesse de la monnaie risque d'alimenter encore davantage l'inflation. Directement après la publication des chiffres de l'inflation, le vice-gouverneur de la banque, Márton Nagy, est venu rassurer le marché. La MNB mettra tout en œuvre pour ramener l'inflation en direction des 3% sur son horizon de politique (5 à 8 trimestres). Résultat, les taux à court terme sont repartis à la hausse. Ne sachant dans un premier temps pas sur quel pied danser, le forint a ensuite quitté son plancher. Lors de sa réunion de fin mars, la banque centrale hongroise disposera de nouvelles prévisions (d'inflation) et la question d'un ajustement de la politique sera certainement abordée.
Reste à savoir dans quelle mesure la MNB est prête à s'engager. Sa crédibilité dans ce domaine laisse à désirer. Ainsi, lors de son intervention hier, Nagy a aussi expliqué qu'il n'excluait pas un ralentissement de l'inflation en février et en mars. Il n'en reste pas moins que la probabilité d'un resserrement de la politique a encore augmenté aujourd'hui. Après l'inflation, la croissance a aussi progressé plus que prévu au premier trimestre (1% en glissement trimestriel et 4,5% en glissement annuel, contre une prévision de 0,5% en glissement trimestriel). Cette combinaison d'inflation élevée et de croissance soutenue devrait inciter la banque centrale hongroise, pourtant accommodante, à lever le pied de l'accélérateur monétaire à un moment ou à un autre au cours des prochains mois. Soit via une hausse limitée du taux directeur, soit via un retrait progressif des mesures d'injection de liquidités sur le marché monétaire (swaps de change).
La perspective d'une intervention de la MNB va probablement donner un coup de pouce au forint sur le court terme. La devise hongroise devrait donc laisser ses récents planchers derrière elle. À un peu plus long terme, il s'agira de voir avec quel degré d'agressivité la MNB interviendra. Elle continuera probablement de regarder dans son rétroviseur et ne voudra certainement pas trop s'éloigner de la BCE, même si le pays ne connaît pas les mêmes conditions de croissance et d'inflation que l'UEM. Le forint pourrait se redresser à court terme, mais il est encore trop tôt pour tabler sur une véritable tendance haussière. Sur le plan technique, une rupture durable sous EUR/HUF 335 sera le signe de la fin du "niveau d'alerte" pour le forint à court terme. À un peu plus long terme, un cours EUR/HUF à 328/330 constitue une zone de support technique solide.