Le grand retour de la viticulture en Belgique

Opinion économique

Les vins belges sont aujourd'hui tendance. Or, la culture belge de la vigne n'est pas une nouveauté. La Belgique peut en effet s'enorgueillir d'un riche passé viticole. Si l'importance économique du secteur a augmenté ces dernières années, elle demeure toutefois limitée. La viticulture reste une activité fondée sur la passion et la créativité, connaissant un succès grandissant grâce au développement des connaissances et de l'expertise et au rayonnement du terroir régional, mais aussi grâce à un investissement massif en capital financier et humain. La viticulture reste un défi économique majeur. Pour l'heure, la commercialisation, le contrôle des coûts et le soutien financier sont essentiels à sa réussite. Une réussite que le Belge goûte et apprécie...

Un riche passé viticole

Historiquement, il fut un temps où comme aux XIIIe, XIVe et XVIIIe siècles, la viticulture était un secteur important dans nos régions. En témoignent les noms de rues et de lieux faisant référence aux vignobles et à la production de vin: Impasse de la Vignette, rue des Coteaux, Vinalmont... Les aléas viticoles de la Belgique sont liés à différents éléments: climat, maladies des plantes, politique et économie.

Dans les années 1980, la viticulture a fait son retour en Belgique. Après des débuts hésitants où elle faisait plutôt figure de hobby, elle s'est progressivement développée et professionnalisée. Durant les quinze dernières années, la production a même été multipliée par dix, 2018 ayant été une année record avec 2 millions de litres de vin produits par 140 viticulteurs sur une superficie d'environ 400 hectares. Les deux tiers de ces entreprises se trouvent en Flandre. En 2019, la production a chuté d'environ 10% à cause de la chaleur, mais la qualité a augmenté. Le raisin blanc, principalement le Chardonnay, se taille la part du lion. Celui-ci entre environ pour moitié dans la production de vins mousseux, l'autre moitié dans celle des vins non pétillants. La Belgique compte actuellement neuf vins reconnus: cinq Appellations d'origine protégée (AOP) et quatre à Indication géographique protégée (IGP), deux vins de pays et deux vins mousseux de qualité.

Le succès et l'importance économique de la viticulture belge ne doivent toutefois pas être surestimés. La Belgique se situe à la limite la plus septentrionale de production viticole. Les rendements moyens sont relativement faibles (de 30 à 50 hectolitres par ha), la majorité des domaines viticoles sont très petits et la production couvre moins de 1% de la consommation belge de vin. Le réchauffement climatique donne en revanche un solide coup de pouce. Une étude américaine affirme qu'avec un réchauffement de deux degrés, plus de la moitié des régions viticoles actuelles pourraient disparaître. La limite où la viticulture peut être pratiquée remonte progressivement vers le nord, ce qui facilite la production de vin de qualité dans nos régions, bien que le gel printanier tardif et les pluies abondantes restent des risques importants. 

Encore beaucoup de potentiel

La forte croissance du secteur en Belgique au cours de la dernière décennie se reflète dans la réussite d'un certain nombre de viticulteurs. Et même s'il s'agit souvent d'un hobby qui a évolué, de la poursuite d'un rêve, d'un (ré)investissement à long terme ou de la diversification d'une entreprise agricole ou horticole existante, une dizaine de viticulteurs professionnels développent leur activité. La concurrence internationale étant féroce et les coûts étant relativement élevés pour nos viticulteurs, ceux-ci sont contraints de se concentrer sur le marché intérieur, avec un produit qui s'articule autour du concept global: un produit régional de haute qualité, axé sur un marché de niche et la volonté de vivre une expérience. Le fait que certains grossistes manifestent maintenant aussi de l'intérêt confirme le potentiel de la viticulture belge.

En plus d'un concept solide et d'une grande expertise, le tableau économique et financier n'est pas sans importance pour un viticulteur. La viticulture est une activité à forte intensité de capital et de main-d'œuvre, alors que les rendements sont incertains, les bénéfices modestes et le temps de retour sur investissement très long. La création d'une entreprise viticole professionnelle est par conséquent loin d'être une évidence. Les nouvelles plantations et une installation de vinification sont de lourds investissements, qui ne commencent à produire des rendements qu'après un certain nombre d'années. Abstraction faite de l'achat des terres, les investissements de démarrage se chiffrent rapidement à 80 000 à 100 000 euros par hectare. Pour un prix de vente de 13 euros par bouteille de vin non pétillant, le délai d'amortissement des investissements atteint facilement huit à douze ans. Plus les entreprises sont petites, plus les coûts fixes par bouteille sont élevés: des économies d'échelle et la mécanisation sont donc souvent une nécessité. Une alternative pour réduire les coûts est le regroupement des viticulteurs, la mécanisation, la vinification et l'embouteillage pouvant être collectivisés. Dans les pays viticoles classiques, l'organisation en coopérative est fréquente. Notons également que les viticulteurs, pour autant qu'ils remplissent les conditions, peuvent solliciter une aide à l'investissement au Fonds flamand d'investissement agricole (Vlaams Landbouwinvesteringsfonds, VLIF).

La disponibilité des terres agricoles constitue souvent un obstacle au démarrage et au développement d'un domaine viticole. La situation, l'orientation, la gestion de l'eau et le type de sol de la parcelle doivent être adaptés à la viticulture, mais le prix d'achat, qui est souvent élevé en Belgique, doit également être abordable. La prise à bail de terres, fréquente dans le secteur agricole, n'est généralement pas une option pour les viticulteurs en raison de la longue durée de vie des vignes.

En conclusion, si le démarrage ou le développement d'un domaine viticole prospère peut en faire rêver plus d'un, cette activité requiert beaucoup de connaissances et de compétences entrepreneuriales ainsi que de solides capitaux et une ténacité à toute épreuve.

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